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  • © Jean-Sébastien Massicotte

Accident : choc en ski dans les Chic-Choc

En ski hors-piste, une chute banale peut entraîner des blessures plus sérieuses qu’il n’y paraît. Comme quoi il ne faut jamais se fier aux apparences…


Trois petits virages et les vacances de ski dans les Chic-Chocs étaient finies. À peine le temps de se dire comment cette première journée au parc national de la Gaspésie allait être fantastique et que le terrain à explorer sur le mont Ernest-Laforce était spectaculaire. Puis, un bref moment d’inattention et tout a littéralement basculé.

C’était une journée parfaite. Un gros soleil faisait briller les pentes enneigées. Un froid vivifiant assurait qu’il n’y aurait pas de surchauffe à la montée et laissait présager une neige idéale à la descente. Et au programme de notre quatuor, l’exploration d’un secteur du parc qu’aucun de nous n’avait eu la chance de visiter.

Une approche simple, un sentier d’ascension facile à découvrir, un terrain aisé à explorer à la descente et sans grand risque d’avalanche. Les ingrédients étaient rassemblés pour du bon temps en montagne.

À peine la montée amorcée et déjà les charmes du Ernest-Laforce se dévoilaient. Un horizon dégagé, une vue imprenable sur les sommets avoisinants et un parcours en vallons amplement dégagé à travers des îlots d’arbres espacés pour la descente. Au sommet, c’est tout le massif des Chic-Chocs qui s’alignait à l’horizon.

Un site de choix pour ma conjointe, Mélanie, qui poursuivait son apprentissage en ski de montagne en Gaspésie. Rien de bien exigeant, mais tout de même un sommet excitant pour enchaîner les montées et les descentes en terrain d’aventure… et en confiance. « Ça, c’est mon type de pente », avait-elle observé durant l’ascension.


© Jean-Sébastien Massicotte

Couchée sur le côté, au pied du seul bouleau des environs, Mélanie n’a pas répondu rapidement à mon appel. « Ça va? » ai-je crié en arrivant à ses côtés, hésitant entre trouver la situation plutôt drôle ou m’en inquiéter. Au deuxième ou troisième « Es-tu correcte? », alors que la réponse tardait à venir, j’ai compris que c’était sérieux.

« Arrrhhhhh… » a-t-elle répliqué en tentant de reprendre son souffle. Je la suivais de près et nous venions d’amorcer tranquillement la descente sur un terrain dégagé et peu accidenté. Comment une chute à cette vitesse et en apparence anodine pouvait-elle être grave?

Entre la surface ventée du sommet qui avait la consistance de la styromousse et la neige plus molle et poudreuse dans l’amorce de la descente, j’avais cependant eu le temps de me faire une idée des conditions. Et de me dire qu’il faudrait y aller avec délicatesse sur cette surface changeante et vallonneuse. Facile alors de se faire piéger et d’accrocher brusquement un ski si on ne fait pas assez attention.

C’est ce qui est arrivé à Mélanie. Alors que la neige était encore de consistance variable, une erreur de pilotage l’a propulsée brusquement à l’extérieur de son virage, hors de contrôle. Le ski s’est enlisé sous la surface et elle est passée par-dessus; par malchance, un bouleau maigrichon était dans sa trajectoire.


© Jean-Sébastien Massicotte

En terrain d’aventure, c’est chaque fois le même rituel avant le départ. On se prépare à une série de scénarios et on s’assure de pouvoir y faire face au mieux. En ski de montagne, c’est d’autant plus vrai que divers risques sont à gérer : exposition au froid, éloignement, bris de matériel, avalanches, blessures ou défaillances physiques.

Malgré l’expérience et la préparation, personne n’est complètement à l’abri d’un incident. Pendant que Mélanie tentait de reprendre ses esprits et de calmer sa respiration, j’avais encore de la difficulté à me faire à l’idée qu’une chute du genre pouvait être si sérieuse. Impossible, pourtant, de nier qu’elle venait de tomber lourdement. Selon sa position et la douleur ressentie après la chute, elle avait été touchée au bras gauche et aux côtes. Prudemment, elle s’est redressée au pied de l’infâme bouleau gelé.


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Pendant que je tentais de planifier la suite des choses, c’est avec soulagement que j’ai vu Jean-François arriver près de nous. En ascension sur sa planche à neige divisible, ce sportif – que nous ne connaissions pas – est venu instinctivement offrir son aide après avoir vu la chute de Mélanie. En compagnie de son petit groupe d’amis, il était même prêt à passer à l’action si elle devait être évacuée. Il faut avoir tenté de sortir quelqu’un en traîneau d’urgence pour connaître les efforts exigés et la difficulté de l’opération, même dans les meilleures conditions.

Par radio, j’ai informé nos deux amis avec qui nous étions en train de skier de la situation. Partis en premiers, ils étaient ensemble plus bas. « Je pense qu’il va falloir que vous remontiez jusqu’à nous », ai-je lancé sur les ondes. Assise dans la neige, les skis enlevés et le casque appuyé sur ses bras croisés, la malchanceuse retrouvait pour sa part une respiration plus régulière.

Un examen plus poussé a indiqué qu’il ne semblait pas y avoir de trauma majeur. Dans la situation, si Mélanie pouvait rechausser ses skis, la solution la plus rapide et la plus simple était d’endurer la douleur et de redescendre doucement en skiant. Un peu moins d’une demi-heure après l’impact, nous étions de retour sur nos skis, en direction de nos amis que nous avons rejoints sur la montagne. À pas de tortue, nous avons rejoint le sentier d’accès, puis la voiture, où Mélanie a pu enfin relaxer un peu. Le pire était fait.


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Capable de se déplacer par moments sans trop de douleur à son retour au chalet, Mélanie estimait qu’il ne s’agissait que d’une bonne contusion aux côtes. Un optimisme qui l’a même transportée en raquette le lendemain — après une nuit sur les Advil — jusqu’au premier sommet des monts Vallières-de-Saint-Réal.

Mais la limite était atteinte. La douleur ne diminuant pas, nous avons effectué un arrêt à l’urgence de Saint-Anne-des-Monts sur le chemin du retour. L’attente interminable sur place a fait que c’est finalement à Québec que le diagnostic est tombé : deux côtes cassées et un épanchement pleural (accumulation de liquide sur les poumons).

Le seul traitement : du repos pendant plusieurs semaines et… beaucoup de patience. Huit mois plus tard, il n’est pas rare que la douleur réapparaisse. Un rappel qu’il ne faut rien tenir pour acquis en terrain d’aventure. Et surtout, que la chance était malgré tout de notre côté en cette belle journée dans les Chic-Chocs.


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