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  • © Tourisme Zermatt / Pascal-Gertschen

Zermatt : dévaler le toit skiable des Alpes

Zermatt ne forme pas seulement le plus haut domaine skiable des Alpes, c’est aussi une grandiose station dominant un ravissant village piétonnier, où on peut skier le matin en Suisse et l’après-midi en Italie, et dont le point d’orgue demeure l’inoubliable Cervin, « la montagne la plus photographiée au monde ».


- Wooooaaa! Debout, viens voir!
- Hmmmmmm?
- Viens voir j’te dis!

En bobettes sur le balcon de l’hôtel, je ne sais plus si c’est le froid hivernal suisse qui crible ma peau de petites boules de chair raide, ou si c’est le grand frisson de l’émotion qui me transit l’intérieur et me tapisse l’extérieur, en voyant le Cervin en train d’apostropher le paysage.

- Viens voir, ça n’en finit plus d’être beau!, dis-je encore à Fiston, enfoui sous les draps.

Dehors, la pointe incurvée de celui qu’on appelle aussi Matterhorn s’allume maintenant comme un bout de cierge à la faveur de l’aube naissante ou, mieux, comme une pièce de métal incandescent qu’on aurait retirée du four du jour. Un peu plus sur la droite, la lune joue au pompon sur le massif des Alpes suisses.

- Wooooaaa! Faut vraiment aller skier!, de décréter Fiston en savourant la scène.

© Gary Lawrence

À Zermatt, le Cervin est le point d’ancrage visuel, l’icône naturelle autour de laquelle tout gravite, le repère du repaire skiable. La célébrissime pyramide de roc à la houppe cornue se voit partout et de partout, avec ses 4478 m : depuis le génial train à crémaillère du Gornergrat, qui grimpe jusqu’à 3089 m; quand on déambule sur Bachstrasse, en plein cœur du village; en dévalant les pistes 11 et 7, qui dévoilent la « face chocolatée du Cervin » (celle qui apparaît sur les tablettes de Toblerone); ou en empruntant la Tufternkumme (piste 15), qui débouche en apothéose sur l’immense griffe de pierre alpine.

 « N’oublie pas aussi d’aller du côté de Hirli, c’est un secteur méconnu mais fantastique! », m’avait suggéré le champion olympique Jean-Luc Brassard, un habitué des lieux, avant mon départ. De fait, c’est sur les flancs de ce versant, d’où partent les alpinistes qui s’attaquent au sommet du Cervin, qu’on se rapproche le plus de la monumentale base du géant pyramidal, qu’on se sent le plus submergé par sa vague minérale.


© Gary Lawrence

De là, une interminable piste longe falaises, forêts et un petit canyon jusqu’au mignon hameau de Furi (piste 52), avant de mener directos à Zermatt, après avoir longé la Viège, qui arrose le village (piste 50). En fait, ce dernier segment de piste est l’aboutissement de la plus longue descente skiable damée au monde : entamée depuis le sommet du Petit Cervin (3883 m), elle emprunte une succession de pistes (85, 84, 73, 66,65, 64, 62 et 50) totalisant 25 km et 2263 m de dénivelé.

La portion la plus agréable de l’ensemble demeure sans équivoque la piste 62, un long ruban qui se déroule en zigzags, en courbes et en montagnes russes accrochés aux versants montagneux, tout en dévoilant des percées visuelles insensées sur les Alpes et sur le village de Zermatt, tapi dans le fond de la vallée, à 1608 m. « Allez Papa, on refait la 62 une autre fois? » est sans doute la phrase que j’ai entendue le plus souvent en deux jours sur place.


© Gary Lawrence

Mais en marge du pic le plus emblématique de toute la Suisse, le domaine skiable entraîne aussi son lot d’émois, sur l’un ou l’autre de ses trois massifs où se déroulent pas moins de 200 km de pistes. Si certaines provoquent de bonnes poussées d’adrénaline – il faut essayer la Obere National (piste 8) ou la Nera del Cervino (piste 59), qui accusent respectivement 61 % et 65 % d’inclinaison –, la plupart (82 %) sont de niveau facile à intermédiaire, en plus d’être fichtrement bien damées, saupoudrées de flocons artificiels à 75 % (bonjour le réchauffement climatique) et incroyablement panoramiques. Surtout depuis le Petit Cervin.

Mein Klein Matterhorn

© Gary Lawrence

Après avoir exploré à fond les massifs du Sunnega/Rothorn et du Gornergrat/Stockhorn en empruntant une succession de remontées aussi ultrarapides qu’ultra-efficaces, Fiston et moi nous offrons la totale en accédant au versant qui permet de toucher du plus près le ciel, celui du Petit Cervin – ou Klein Matterhorn, dans la langue de Goethe –, relié par le Matterhorn Glacier Ride.

Entièrement fenestrées (y compris au plancher, parfois) et conçues par le carrossier fétiche de Ferrari, Pininfarina, les cabines de cette remontée filent à toute vitesse au-dessus du glacier Théodule – où on peut skier même durant l’été, en passant. Chemin faisant, les cabines traversent un cadre spectaculaire tous azimuts jusqu’au point culminant de la station de téléphérique la plus élevée d’Europe.


© Gary Lawrence

Une fois au sommet et avant d’attaquer les pentes, Fiston et moi allons faire une génuflexion devant le Christ des glaces qui veille sur la terrasse panoramique du Matterhorn Glacier Paradise, d’où on ne se fait pas prier pour embrasser 360 degrés de pics qui chatouillent l’azur de leurs faîtes accomplis. Si Dieu existe, il est certainement passé par ici un jour où son humeur était pétulante.

Cinglés par les vents, Fiston et moi passons en revue quelques-uns des 38 sommets de 4000 m et plus qui défilent à l’horizon : outre le Cervin, on remarque le Rimpfischhorn (4198 m), le Liskham (4527 m), le Dufourspitze (plus haut sommet suisse, à 4634 m) et le mont Blanc (4808 m). D’un seul plan-séquence, on traverse ainsi la France, la Suisse et l’Italie : à partir d’ici, on peut d’ailleurs transiter vers les stations italiennes de Breuil-Cervinia et de Valtournenche, avec un seul et même billet de ski.


© Gary Lawrence

Mais ce jour-là, de grands vents nous empêchent d’aller tâter de la neige italienne – ce qui, à notre grand dam, nous tient également loin du célèbre Rifugio de Testa Grigia, où nous voulions nous offrir un plat de pâtes « qui goûtent le ciel à 3500 m d’altitude », dixit Jean-Luc Brassard. Nous en sommes quittes pour descendre dans le ventre du glacier Théodule, où une série d’étonnants boyaux ont été creusés à même les glaces millénaires.

Groggys à cause de la raréfaction de l’oxygène, nous remontons ensuite à bord des F1 aériennes, où un Hollandais se dit au bord de l’apoplexie. « C’est sûr que ça ne doit pas être facile tous les jours d’être ici, quand on vit à 6 mètres en-deçà du niveau de la mer », lui dis-je en badinant, avant d’apprendre que le brave skieur a surtout abusé du Fendant, ce vin blanc qui accompagne bien raclettes et fondues, mais dont l’excès contribue à rendre pénibles les lendemains de veille skiables.

Se caler une dent inopinément


© Gary Lawrence

L’un des grands plaisirs de skier à Zermatt, c’est justement d’avoir accès à une pléthore de bergrestaurants (restos de montagne) qu’on croise au hasard des pistes. Rien que du côté suisse, on en compte une cinquantaine, parfois intégrés à un hameau existant (comme le très mignard Gitz-Gädi, à Furi), parfois plantés en bord de piste (comme le rustique Chalet Ried, sur la piste 2a), dans de jolies maisonnettes en pierre, en planches ou en poutrelles laminées par les éléments et le temps. À chaque fois, Fiston et moi hésitons entre les spätzle (pâtes suisses), röstis (patates rissolées en juliennes avec fromage et lardons), fondues et autres raclettes, tous d’excellents plats roboratifs qui permettent de tenir le coup jusqu’à la fermeture des remontées – il est hors de question, en pareil endroit, de ne pas aller jusqu’au bout de sa journée de glisse.


© Gary Lawrence

Du reste, au hasard des descentes, certaines pistes forment de ravissants couloirs de mélèzes (pistes 1, 2, 2a et 3) ou traversent de petits hameaux comme Zum See et Blatten (piste 50), tous deux ponctués de mazots (ou raccards), ces constructions de bois qui servaient jadis à entreposer les grains et dont les pilotis surmontés de larges disques d’ardoise éloignaient les rongeurs. De nos jours, ce sont surtout les skieurs qui grouillent à l’ombre des façades rustiques des mazots convertis en bars-terrasses, où ils se plaisent à fainéanter entre deux descentes, à l’abri du soleil… ou pas.


© Gary Lawrence

Car Zermatt forme aussi l’une des stations de ski les plus ensoleillées d’Europe, protégée des nuages par tous ces pics environnants. Même quand les éléments se déchaînent dans les vallées voisines, la barrière des Alpes les retient et Zermatt baigne plus souvent qu’autrement sous un rassérénant soleil, 300 jours par année – ce qui permet de maximiser ses chances d’admirer le Cervin sur fond d’azur.

- Après tout, c’est un peu beaucoup pour lui que nous sommes venus skier ici. Tiens, justement, le voilà qui sort de nouveau des nuages, t’as vu Fiston?

- Wooooaaa!


À lire aussi - Ski en Suisse : Saas-Fee, la Perle des Alpes


Pratico-pratique


© Tourisme Zermatt / Pascal-Gertschen

  • Y aller

Air Canada dessert Genève en vol direct et sans escale, cinq fois par semaine durant la saison hivernale, depuis Montréal; Swiss fait de même quotidiennement sur Zürich. Émission de Co2 par segment de vol : 342 kg pour Genève, 348 kg pour Zürich.

Zermatt est situé dans le cul-de-sac d’une vallée, à environ 3 h de train des aéroports de Genève et de Zürich, eux-mêmes rattachés directement aux gares ferroviaires. Le village, interdit aux voitures (mais sillonné de voiturettes électriques) mérite à lui seul le détour avec sa très animée Banhofstrasse et Hinterdorf, son vieux quartier où subsistent des constructions qui datent du 15e siècle, et où trône la statue d’Ulrich Inerbiden, guide de montagne qui a gravi le Cervin 370 fois. Près de l’église St. Mauritius, le petit cimetière des alpinistes rappelle pour sa part le destin tragique d’une cinquantaine de victimes des montagnes, dans la région.


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Avec le domaine skiable italien de Breuil-Cervinia/Valtournenche, celui de Zermatt couvre 360 km de pistes. Attention : la tarification est dynamique et varie en fonction des saisons, de la demande et du nombre de jours portés sur le billet, mais on peut skier à partir de 65 CHF/jour (95 $) – ce qui est moins cher qu’au Massif de Charlevoix… Sur place, on peut aussi héli-skier, raquetter, s’adonner au ski de fond, à la rando alpine et au ski-alpinisme.


© Tourisme Zermatt / Alpine Center

Les vacances des Fêtes, l’essentiel du mois de février et les vacances de Pâques sont à éviter, vu l’affluence des skieurs. Le reste de la saison est moins fréquenté et on n’attend jamais aux remontées, tant elles sont efficaces. On peut également skier sur 21 km de pistes situées sur les glaciers, durant l’été.
mattherhornparadise.ch

  • Dormir


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Charmant petit établissement familial fort bien situé, le Europe Hôtel & Spa offre de chouettes chambres modernes, un cadre ravissant et une excellente table (avec vue sur le Cervin en prime). Pour ceux qui ne regardent pas à la dépense, The Omnia compte parmi les meilleurs hôtels de Suisse, alors qu’on peut passer la nuit dans un village d’igloos de luxe, en montagne. De façon générale, l’hébergement est très cher à Zermatt, et même un lit dans le dortoir de l’Auberge de jeunesse revient à 90 $/pers, dans le meilleur des cas. Du reste, plusieurs établissements offrent différents forfaits avec passes de ski.

Boire et manger


© Gary Lawrence

Si le village de Zermatt regorge de bonnes tables – on en compte une bonne centaine – et de hauts lieux de l’après-ski, les restos traditionnels en bord de piste (bergrestaurants) pullulent également, et on a l’embarras du choix. Quelques suggestions : le Furri, pour les meilleurs röstis de la station, servis dans un cadre puissamment pittoresque; le Stafel, pour se régaler de plats montagnards à la base de la face nord du Cervin; chez Vrony, pour de fins mets bios avec vue imprenable sur le Cervin; et bien sûr le Rifugio Guide del Cervino, du côté italien. L’été prochain, une nouvelle télécabine tricâble (la Matterhorn Glacier Ride II) mènera d’ailleurs du Petit Cervin (3883m) à Testa Grigia (2548m), reliant la Suisse à l’Italie par voie aérienne.


Infos


L’auteur était l’invité de Suisse Tourisme, de Tourisme Zermatt et de la Région Valais Matterhorn.


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