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Les vrais dangers de la nature

[Extrait du livre « Bushcraft : la survie relax » de Billy Rioux, VLB Éditeur]

La nature éveille les peurs des hommes depuis toujours. Dans les zones lointaines des cartes marines nageaient les monstres les plus horribles qui soient, et d’innombrables contes et légendes étaient peuplés de bêtes maléfiques dont les yeux jaunes perçaient les ténèbres des sous-bois. Dans ma jeunesse, mes séjours en camps de vacances étaient pimentés par les récits d’épouvante racontés par les moniteurs autour du feu de camp. Dans mon lit, les yeux grand ouverts, je restais des heures à l’affût des moindres bruits dehors. Si les animateurs cherchaient à éviter que les garçons et les filles traversent la forêt pour rejoindre le dortoir du sexe opposé, c’était une bonne stratégie.

C’est en vivant longtemps dans une cabane en pleine nature que j’ai compris l’étendue de mon ignorance. La nature n’a rien d’effrayant, et chaque territoire, un peu comme une ville, a sa personnalité.

Cela dit, comme dans n’importe quel milieu, il y a dans la forêt des risques modérés mais réels, qu’il faut connaître pour savoir les éviter.

L'hypothermie

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C’est l’un des risques principaux, lorsqu’on se perd dans la nature. Selon Emmanuel Daigle, instructeur de premiers soins en régions éloignées, personne n’est immunisé contre l’hypothermie. Le vent, la pluie et, bien sûr, le froid sont les conditions météo qui y mènent. La fatigue, la faim, la déshydratation, l’âge, la condition physique et certains problèmes médicaux sont des facteurs qui augmentent encore le risque.

Notre température corporelle peut fluctuer naturellement de 1,5C pour les hommes et de 1,2C pour les femmes. Quand elle descend en dessous de cette fourchette, après un délai compris entre 30 minutes et quelques heures selon les conditions météo et notre état physique, les signes de l’hypothermie commencent à apparaître : frissons, tremblements, peau froide, rythme cardiaque diminué, puis apathie pouvant mener à l’inaction totale et la mort.

Pour éviter l’hypothermie, il faut boire des boissons sucrées et chaudes (par petites gorgées, toutes les 15 minutes, idéalement), car une bonne hydratation permettra au sang de mieux circuler et, par le fait même, nous aidera à garder notre chaleur. Il faut aussi s’isoler du froid en portant des vêtements secs et en se mettant à l’abri du vent. Il faut bouger les grands groupes musculaires pour produire de la chaleur. Et, enfin, il faut manger.


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Les tiques

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La tique prolifère dans le couvert forestier et dans les herbes hautes. Elle est munie de crochets qui lui servent à s’attacher à l’épiderme des mammifères pour leur sucer le sang. Elles peuvent alors transmettre la maladie de Lyme qui, si elle n’est pas traitée, peut mener à des troubles cardiaques et neurologiques graves.

Il y a plusieurs espèces de tiques au Québec. Celle qui transmet la maladie de Lyme se nomme tique du chevreuil ou tique à pattes noires (Ixodes scapularis). Dès qu’une tique vous pique, il faut la retirer à l’aide d’une pince à épiler ou, préférablement, d’un tire-tique qu’on positionne le plus proche possible de la peau, puis bien désinfecter. Chez les humains, la bestiole se loge dans des endroits discrets et difficiles d’accès : derrière le genou, dans le bas du dos, sous l’aisselle, à l’aine, dans le nombril et sur le cuir chevelu.

La présence des tiques au Québec soulève des inquiétudes depuis la fin des années 1980. En 1988, elles étaient responsables de la transmission de six cas de maladie de Lyme au Canada. Selon l’Institut national de santé publique, en 2017, 249 cas ont été rapportés au Québec, où leur augmentation est constante. Au moment où j’écris ces lignes, le risque de contracter la maladie de Lyme est élevé de l’Outaouais jusqu’à la frontière des États-Unis, en passant par le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Les hivers plus doux auraient favorisé l’acclimatation des tiques dans nos contrées.

La maladie de Lyme représente donc un risque réel pour ceux qui pratiquent le camping en nature sauvage. Pour se protéger au mieux, il faut porter des vêtements longs, cacher les parties visibles de sa peau, porter un chapeau et utiliser un insectifuge lors des activités de plein air sur ces territoires. Et surtout, au retour, il faut examiner son corps ainsi que notre équipement.

La propagation de la maladie n’est pas alarmante, mais elle implique de se renseigner fréquemment sur le territoire des tiques, de savoir s’en protéger et les enlever, et de mentionner aux médecins un séjour dans le bois et l’éventualité d’une maladie de Lyme en cas de symptômes préoccupants. Il faut noter que le fameux érythème en forme de cible autour du site de la piqûre n’apparaît pas dans tous les cas.


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La faiseuse de veuve

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C’est le nom tragique qu’on donne parfois à la partie supérieure d’un arbre désséché ou à des branches qui sont sujettes à se détacher soudainement à cause d’une bourrasque ou de la vibration d’un coup de hache donné à la base du tronc. Les veuves en question, ce sont celles des nombreux bûcherons qui ont été frappés mortellement. J’ai deux grands-oncles qui ont été frappés par cette malchance. L’un d’entre eux a évité la mort de justesse : la branche a glissé sur son casque et lui a fracturé l’épaule. Quant au second, il est mort sur le coup… C’est un peu à sa mémoire que j’en fais mention ici, mais les faiseuses de veuve sont un danger bien réel. Surveillez-les durant vos randonnées, surtout quand il vente, et ne campez jamais sous l’une d’entre elles. 


La foudre

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La foudre est terrible en haute montagne. J’amorçais avec une amie l’ascension du champ de glace Columbia, en Alberta, le plus grand glacier des Rocheuses canadiennes. Il était très tôt, bien avant le lever du soleil. Le tonnerre s’est mis à gronder, et des éclairs ont déchiré le ciel. Après une très longue attente, l’orage s’est calmé, et nous avons continué notre ascension sur la langue du glacier.

Quand nous sommes arrivés sur le champ de glace au petit matin, un duo d’alpinistes cheminait en sens inverse. Ils abandonnaient l’aventure, la violence du vent et du tonnerre leur avait donné la frousse de leur vie. Nous avons continué à avancer, très nerveux à l’idée d’être pris dans une nouvelle tempête au milieu de cette mer de glace. Fort heureusement, nous avons eu une pleine semaine de beau temps et pu gravir les sommets du glacier, dont le mont Columbia, le plus haut d’Alberta. 

La foudre est une décharge transitoire qui a pour origine un nuage orageux (cumulonimbus) chargé électriquement. Selon Environnement et Changement climatique Canada, la foudre tue en moyenne dix personnes chaque année au pays, et 70 % de ces décès surviennent lors d’activités de plein air.

Les effets physiologiques d’un foudroiement indirect peuvent être une inflammation de la cornée, une perforation du tympan ou un choc nerveux. En principe, une victime frappée directement par la foudre sera marquée d’une brûlure superficielle à l’entrée et à la sortie de l’éclair ; elle aura subi une électrisation, commotion électrique entraînant une perte momentanée du contrôle musculaire et, fréquemment, un arrêt cardiaque. La victime peut souvent être sauvée par des manoeuvres de réanimation immédiates. 

En nature, sous une bâche ou sous la tente, il est toujours très effrayant d’entendre la foudre frapper à proximité. Il existe des règles à suivre en cas d’orage qui ont prouvé leur efficacité : 

1 Quittez immédiatement la surface d’un lac, le milieu d’un champ ou toute étendue plane ou surélevée. Éloignez-vous aussi des arbres solitaires, des clôtures métalliques et de tout autre objet propre à attirer les éclairs ou à conduire l’électricité. 

2 Si vous êtes en nature sauvage, abritez-vous dans une dépression de terrain en position accroupie, la tête proche du sol et les bras encerclant les jambes. 

3 Si c’est possible, réfugiez-vous dans une maison ou dans une automobile au toit métallique. Quand la foudre frappe une voiture, le châssis extérieur agit comme une enveloppe protectrice en déviant le courant. Les charges électriques se répartissent en zigzag sur la surface pour terminer leur course au sol. Évidemment, les décapotables et les véhicules en fibre de verre n’offrent aucune protection contre la foudre. 

4 Attendez une demi-heure après le dernier grondement du tonnerre avant de sortir de votre abri : le tiers des accidents frappent des individus qui reprennent trop rapidement leurs activités. 


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Les guêpes

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On trouve au Québec quelques centaines d’espèces de guêpes qui sont utiles à la pollinisation et au contrôle des populations d’insectes nuisibles. Chaque année, trois personnes environ meurent d’une piqûre de guêpe au Canada. Deux espèces sont en cause : la guêpe commune, qui est de couleur jaune, et la très agressive guêpe germanique, qui est noire. Mais ce n’est pas parce que les chances de mourir d’une attaque sont extrêmement minces qu’il faut tenter le destin…

Quand la colonie se sent menacée, les ouvrières attaquent et injectent avec leur dard un venin très douloureux (atrocement, à mon avis, pour ce qui concerne la guêpe germanique). Contrairement à l’abeille, la guêpe survit à cette attaque. Elle pourra même vous piquer plus d’une fois dans un même épisode. À la première piqûre, quittez immédiatement les lieux, pour éviter tout risque que des centaines de guêpes viennent injecter leur venin et mettre votre vie en danger. Curieusement, un jour, une guêpe m’a averti de m’éloigner de son nid en me fonçant dans le dos. J’ai vite compris le message.

Emmanuel Daigle vous dira que si vous vous faites piquer par des guêpes durant une randonnée, le mieux est de placer une compresse d’eau froide sur les piqûres ou de les baigner dans l’eau froide d’un ruisseau. Si vous ressentez le moindre malaise physique, comme un changement dans la voix, de l’enflure au visage, des rougeurs, de la difficulté à respirer ou avaler, administrez l’EpiPen si vous en avez un sur vous et rendez-vous immédiatement à l’hôpital. 


La berce du Caucase 

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La berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) est une plante toxique que les médias ont publicisée ces dernières années. Sa sève, dite « phototoxique », cause des brûlures importantes sur la peau après une exposition au soleil. On ressent des démangeaisons douloureuses et de grosses cloques apparaissent pouvant atteindre, dans les cas extrêmes, la taille d’une pomme de terre. 

La berce du Caucase est une herbacée colossale, qui monte bien au-dessus de nos têtes (2 à 3 mètres en moyenne, mais elle peut atteindre 5 mètres). Elle se caractérise par une ombelle (sorte de parapluie à l’envers au sommet de la plante) de 50 à 150 rayons, avec des taches rouges sur la tige et un peu de poils sous les feuilles. Elle croît le long des cours d’eau, des fossés, dans les prés, et près des voies ferrées et des routes.

Des horticulteurs imprudents ou tout simplement ignorants ont soutiré des semences de la région qui lui a donné son nom, pour la distribuer en Europe de l’Ouest, puis au Canada. Sa forme majestueuse paraissait bien dans les jardins. Aujourd’hui, cette plante a envahi toutes les régions au sud de la province, de Gatineau au Saguenay au sud et jusqu’à Rimouski, avec une forte présence dans la région de Québec, de Chaudière-Appalaches et de l’Estrie. De nombreux efforts sont en cours pour l’éliminer.

Vous la retrouverez souvent près des aulnes ou d’autres ressources naturelles utiles pour le bushcraft, il vous faudra donc vous en méfier particulièrement. On pourrait être tenté de l’utiliser pour construire un abri ou même pour fabriquer une flûte ou un tire-pois (sarbacane), à cause de sa tige creuse : très mauvaise idée. 


L'ours

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En 2001, j’étais seul dans le parc national Kluane, au Yukon, pour une randonnée de deux semaines. J’avais 19 ans. Mes dreads coincés sous ma tuque, je marchais dans une vallée toute colorée de jaune, de brun et d’orangé, qui me rappelait nos forêts à l’automne. Le soleil réchauffait le versant humide des montagnes, et un nuage de vapeur flottait au-dessus du lichen. Je longeais la rivière en sifflotant quand j’ai entendu un grognement sourd, puis un souffle profond. En relevant la tête, j’ai aperçu un grizzly. Lui aussi avait décidé de longer la rivière. J’ai manifesté ma présence à l’animal par des sons et de grands gestes lents. Il m’a repéré, mais plutôt que de rentrer dans la broussaille, il s’est mis à avancer droit sur moi d’une démarche nonchalante. J’ai sauté sur un rocher au milieu de la rivière, en lui parlant d’une voix calme, mais ferme. Je continuais à faire de grands gestes sur mon îlot de pierre. L’ours s’est arrêté, m’a dévisagé, puis a repris sa route. Il est passé à trois mètres de moi. J’observais ses muscles se mouvoir sous sa grosse couche de fourrure, ses griffes qui creusaient le sol rocailleux, et son oeil noir, une petite bille qui évoquait celles avec lesquelles je jouais quand j’étais petit. L’ours m’a dépassé, pour finalement disparaître dans la vallée. 

Le grizzly étant présent dans l’Ouest, vous ne risquez pas d’en croiser sur les sentiers du Québec. Quant à l’ours blanc, il vit dans les régions polaires. C’est de l’ours noir, leur cousin beaucoup moins dangereux, qu’il faudra vous méfier. (Cela dit, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs précise bien que, dans les dernières décennies, très peu de décès et de blessures graves ont été attribuables à l’un des quelque 70 000 ours noirs qui peuplent les forêts du Québec.) Qu’importe l’espèce, j’ai eu la chance ou la malchance de rencontrer de nombreux ours dans mes expéditions, du Québec à l’Alaska. À chaque fois, j’ai adopté une stratégie que m’ont apprise les gardes de parcs fédéraux. Elle a toujours marché, bien que chaque rencontre s’avère différente, selon le tempérament et l’appétit de l’individu, la présence d’oursons, la direction du vent ou le lieu géographique.

De manière générale, les ours n’aiment pas les surprises, raison pour laquelle on conseille aux marcheurs de faire du bruit en forêt. Il est aussi important de ne pas laisser des provisions à la portée de ces plantigrades. Voici ce qu’il faut faire en présence d’un ours noir : 

1 Rester calme, ne jamais paniquer.

2 Ne jamais courir. L’ours court plus vite que vous et se sent provoqué par ce comportement.

3 S’éloigner de lui en parlant calmement et en faisant de grands gestes lents pour vous identifier clairement.

4 Quitter ensuite les lieux, ou faire un grand détour en laissant à l’animal suffisamment d’espace pour qu’il puisse s’enfuir.

5 Si l’ours monte sur ses pattes arrière, c’est qu’il essaie de mieux vous identifier par la vue et l’odorat. Ce n’est pas en soi un signe d’agressivité.

6 Ne rien laisser tomber par terre, à moins que l’animal avance directement vers vous. Dans ce cas, cela pourra le distraire.

7 S’il attaque, criez et défendez-vous avec tout ce qui vous tombe sur la main : un bout de branche, vos poings, une hache, pour l’impressionner. Conservez votre sac à dos, pour vous protéger le dos. 


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Le carcajou (population de l'est)

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Animal solitaire devenu presque mythique, le carcajou n’est guère plus gros qu’un chien de traîneau. Il est étonnamment fort et sait se défendre, au point même d’intimider les loups, mais il ne s’attaque pas aux humains, hormis dans quelques rares cas de trappeurs qui l’auraient provoqué. Avant l’arrivée des Européens, il était présent partout sur le territoire canadien. Il est encore relativement prospère dans l’Ouest. Dans l’Est, son habitat actuel se situe au-dessus du 49e parallèle, en pleine forêt boréale. Sa population totale est aujourd’hui estimée à 300 individus en Ontario et à moins de 100 au Québec. Il s’agit cependant d’une estimation très sommaire, car cet animal est extrêmement difficile à observer et à distinguer d’un petit ours ou d’un gros pékan. Il n’est pas très bon chasseur, et se nourrit principalement de carcasses d’animaux. Il a fait l’objet d’une chasse intensive des trappeurs au xixe siècle, justement parce qu’il mangeait les animaux piégés sur leurs lignes de trappe. La diminution des populations de caribous et de loups gris, qui leur fournissaient des carcasses, a également contribué à sa quasi-disparition.

Si vous en voyez un, allez acheter un billet de loterie. Puis, rapportez votre rencontre au Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec.


Les serpents venimeux

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Quatre espèces de serpents venimeux sont bien établies au Canada. Toutes vivent en Ontario et au sud des provinces de l’Ouest. Au Québec, donc, pas de risque… quoique. En 2011, on a rapporté que le crotale des bois (Crotalus horridus) aurait atteint les frontières de la Montérégie. Pas de panique : selon plusieurs biologistes, il y aurait eu confusion avec un serpent inoffensif présent au sud du Québec, la couleuvre tachetée.Les crotales sont ces fameux « serpents à sonnette », ceux qui agitent un organe au bout de leur queue, la cascabelle, qui produit un bourdonnement caractéristique très intimidant. On trouve au Canada le crotale des prairies (Crotalus viridis), le crotale de l’Ouest (Crotalus oreganus) et le crotale massasauga de l’Est (Sistrurus catenatus). Finalement, reste le serpent le plus rare du pays, la couleuvre nocturne du désert (Hypsiglena chlorophaea), une espèce qui n’aime pas mordre même lorsqu’on la manipule. Bien qu’elle soit considérée comme venimeuse par les biologistes, nous ignorons si son poison est dangereux pour l’homme. 

Toutes ces espèces ont été massacrées à grande échelle, au Canada comme aux États-Unis, à cause de leur morsure potentiellement mortelle pour les animaux de compagnie, le bétail et les humains si elle n’est pas traitée rapidement. Les cas de morsures restent extrêmement rares au Canada, et ils ont toujours été soignés à temps. Vous avez plus de chance de mourir en recevant un gros grêlon sur la tête que des suites d’une attaque de serpent. 


« Bushcraft : la survie relax » de Billy Rioux, VLB Éditeur

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