Entrevue : François Langlois au sommet
François Langlois peut se compter chanceux : non seulement il est né prématurément, mais il a aussi grimpé l'Everest avec un poumon et demi… sans le savoir. Il revient sur ses 10 ans d'alpinisme à la poursuite du plus haut sommet de chaque continent.
C'est bien connu, l'habit ne fait pas le moine. C'est quand même étonnant de voir un conquérant des sept plus hauts sommets du monde en veston cravate avec des souliers propres! Aventurier un jour, François Langlois se transforme en conseiller en placement le lendemain. Les temps ont bien changé depuis sa conquête de l'Everest en 2001, époque où il était sans le sou et criblé de dettes.
Maintenant âgé de 44 ans, il vient de terminer son rêve des sept sommets. Mais l’aventure n’a pas été facile : en 2002, alors qu’il complète les monts Logan et McKinley, il commence à éprouver des douleurs sévères à la poitrine et il consulte des spécialistes. Verdict : un kyste bronchogénique, une masse de la grosseur d'un pamplemousse sur son poumon gauche. Depuis son enfance, une partie de son poumon s'était refermée sur elle-même et la haute altitude aura probablement fait enfler la paroi interne. Ce kyste bloque la bronche gauche tout en pressant sur le cœur, ce qui cause des palpitations cardiaques à l'alpiniste. La tumeur a déversé près d’un litre de liquide lors de l'opération quand elle a éclaté. François Langlois n'ose même pas imaginer ce qui se serait passé si c'était arrivé durant l'ascension d'un sommet. Les conséquences auraient pu être fatidiques...
Alors, les expéditions partent toutes sous la bannière d'une cause. François Langlois ne fait pas exception à la règle : lui, il l'a fait pour les enfants —sa naissance prématurée y est pour beaucoup. C'est la promesse qu'il s'est faite au sommet de l'Everest : s’il a pu se rendre si haut tandis qu’il était lui-même un enfant malade, il tentera d’en redonner autant aux autres. Jusqu'à maintenant, il a amassé plus de quatre millions de dollars avec ses expéditions et ses conférences.
Il collabore entre autres avec les organismes Vœux d'Enfants et la Fondation Charles Bruneau depuis déjà un moment : « Moi, mon coup de pouce pour se dépasser physiquement, c'est de penser aux enfants qui se battent pour leurs vies avec le sourire, parce qu’ils n'ont pas le choix. » Avoir de bonnes motivations pour atteindre son but fait partie intégrante d'une expédition pour lui : « J'ai eu à faire face au pire que l'Antarctique peut nous lancer », résume-t-il en parlant de sa plus récente expédition, entamée le 23 novembre. À 4 892 mètres, le mont Vinson n'est pas difficile du point de vue technique, mais ce dernier sommet sur sa liste ne s'est pas laissé prendre facilement. L'ascension a été pénible : la météo ne coopérait pas. L’aventurier a dû affronter des températures avoisinant les - 65 degrés Celcius. Et des vents violents ont forcé François Langlois et ses compagnons à demeurer confinés dans une tente pendant presque une semaine. « C'est difficile sur le moral, sauf quand tu as un enfant malade pour te motiver », si bien qu'il aurait pu en endurer encore plus.
« On avait un plan, mais on s'est fait surprendre par la météo. Heureusement, on avait quatre jours de réserves alimentaires, mais on a dû être patients », confie l'alpiniste. Malgré la difficulté, il a visiblement aimé son expérience. Le 8 décembre, discrètement et péniblement, François Langlois s'est hissé au sommet du mont Vinson. Il devenait, du même coup, le troisième Québécois à grimper les plus hauts sommets de chaque continent. « Ce n'est pas au sommet que tu sens quoi que ce soit. C’est après, en redescendant, le lendemain ou un mois après l'ascension que ça te frappe. »
Depuis le milieu des années 80, personne ne s'entend vraiment sur la liste finale des sept plus hauts sommets des sept continents. Certains placent le septième en Australie, alors que d'autres (notamment Reinhold Meissner) estiment qu'il se situerait en Océanie, classant le Puncak Jaya dans la liste officielle. Pour éviter tout débat sur sa liste, François Langlois a mis dix ans pour compléter les huit sommets.
Heureusement, il possède un employeur compréhensif et il se sait chanceux d'avoir pu conserver son travail tout en poursuivant ses expéditions. C'est pour cette raison qu'il a pris autant de temps à compléter sa couronne des sept sommets, avec une pause entre 2003 et 2007 : « C'était une question d'attendre le moment propice. Si j'avais été concentré uniquement sur l'alpinisme, ça aurait été autre chose... »
Des regrets? Un seul : il songeait à faire le K2 en solo, par une voie inédite. Il aurait voulu traverser du côté chinois et revenir du côté pakistanais. L'alpiniste y pensait, mais avec trois petites filles qui l'attendent à la maison, il a préféré laisser tomber ce défi. Pour cette même raison, l'alpiniste ne songe pas à compléter les 14 sommets hauts de plus de 8 000 mètres. « Oui, j'ai des regrets, mais je suis en paix avec ces regrets-là. »
Depuis son sommet en Antarctique, il s'accorde une petite pause... avant de repartir : « Vinson n'est pas la fin, c'est le début », confie-t-il. Déjà, il prépare un trek en mai au Pérou pour aller visiter le Machu Picchu avec un groupe d'une trentaine de personnes. L’alpiniste n'en a pas fini avec l'extrême non plus : il vise à faire un Ironman durant la prochaine année, avec l'espoir de se rendre à Hawaï. « On verra en temps et lieu », dit-il avec un sourire.
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