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Développer les muscles de son cerveau : mythe ou réalité ?

Après avoir entraîné vos bras, vos jambes et votre dos, quelle partie de votre corps pouvez-vous encore stimuler, sans avoir recours aux haltères? Réponse : votre cerveau, grâce à plusieurs méthodes maintenant accessibles aux amateurs, et qui permettront peut-être même bientôt aux athlètes d’améliorer leur performance.

Devant moi se trouvent des dizaines de voyants lumineux, disposés en cercles concentriques. Dès qu’un voyant devient rouge, je dois le toucher le plus rapidement possible, pour affiner mon temps de réaction, mais aussi pour entraîner ma vision périphérique. Résultat : mon « vieux » cerveau enchaîne plus de 70 mouvements en une minute. C’est encore bien loin des résultats d’un athlète élite, mais avec un peu d'entraînement, il devrait pouvoir faire mieux.

Je suis au Centre Mental Gym de Montréal. La machine que je viens d’utiliser s’appelle Dynaboard et fait partie des nombreux outils maintenant offerts aux athlètes pour entraîner leur cerveau en plus des muscles de leur corps.

« Si vous parlez à un athlète, il vous dira comment il s’entraîne, mais vous dévoilera-t-il tout ce qu’il fait secrètement pour vaincre ses rivaux? Bien sûr que non!, explique la neurothérapeute Anne-Marie Giroux, qui a ouvert son centre il y a plus de 12 ans. L’entraînement du cerveau fait partie des choses qui ne sont pas dites et qui comptent parmi l’arsenal des athlètes; désormais, ce genre d’exercices se démocratise beaucoup. »

Les progrès en neuroscience sont très rapides et plusieurs approches peuvent être privilégiées. Parmi celles-ci, le neurofeedback continue de gagner en popularité. Grâce à des électrodes posées sur la tête, cette technique permet par exemple d’étudier les réactions du cerveau lors de l’exécution de certaines tâches. Avec les informations ainsi récoltées et un peu d'entraînement, une personne peut ensuite entrer plus rapidement dans le « flow » – un état où un effort soutenu paraît peu difficile – ou mieux maîtriser son rythme cardiaque après un travail intense.

Si plusieurs de ces techniques étaient jadis réservées à l’élite, les athlètes amateurs commencent maintenant à se joindre au mouvement. Selon Anne-Marie Giroux, tous les sportifs peuvent désormais tirer profit de ces enseignements. « Il suffit de penser à l’escalade : la prise de décision doit être très rapide », note-t-elle.

Au Québec, plusieurs centres, notamment dans la région montréalaise, offrent du neurofeedback. Mais tous ne prévoient pas nécessairement des séances pour les sportifs. Pour mieux jouer, courir ou être « dans la zone », d’autres athlètes se tournent donc vers la méditation. 

Des études démontrent que méditer améliore la concentration et réduit le stress, même avec aussi peu que trente minutes de pratique quotidienne. Si bien que des universitaires ont conçu des méthodes de méditation guidée, plus orientées vers les besoins des athlètes, en vue de faire diminuer la tension en compétition ou d’être plus concentré, notamment. 

En ce moment, l’expression du jour est la « pleine conscience ». On peut méditer pendant une portion d’une course, par exemple. L’idée – à la fois simple et complexe – est d’être concentré sur ses mouvements pour être conscient de son corps. Pour ceux qui veulent s’initier, rien n’est plus simple : des cours de méditation guidée sont offerts un peu partout au Québec et ailleurs au Canada. Pour ceux qui voudraient aussi approfondir l’aspect théorique, de nombreux livres ont récemment été publiés à ce sujet. Plusieurs de ces ouvrages sont toutefois dans la langue de Shakespeare.

Le Dr David Putrino propose une toute autre façon de faire : donner des décharges électriques à la matière grise, ce qui permettrait entre autres d’améliorer son endurance. Ce traitement, appelé neuromodulation, serait en pleine expansion selon ce neuroscientifique et chercheur à l’Université Cornell, qui travaille dans un centre de réadaptation de l’État de New York. 

Avec un collègue, le Dr Putrino a participé en 2014 à une expérience de la compagnie Red Bull, baptisée Projet Endurance, où des cyclistes ont été soumis à toutes sortes de tests. Les chercheurs voulaient notamment déterminer comment une légère stimulation électrique au cerveau, qu’on appelle stimulation transcrânienne à courant direct, pourrait améliorer les résultats sportifs. Étonnamment, les techniques utilisées lors du Projet Endurance sont des exercices auxquels on a recours pour faciliter la réadaptation des patients à la suite d’un AVC. Et non, aucun des participants à cette étude n’a été malmené! 

« Les cyclistes ont été capables de générer autant de force en imposant moins de stress à leur système nerveux », explique David Putrino. Selon lui, cela pourrait se traduire par un entraînement plus efficace à long terme. Ces techniques permettraient au cerveau de mieux répondre à des stimuli et de consolider des apprentissages. Avec plus de recherche, on pourrait démontrer que la stimulation transcrânienne a des bienfaits intéressants dans le domaine sportif, selon le chercheur. Lorsque son cortex moteur est stimulé, un cycliste pourrait par exemple contracter plus aisément les muscles de ses jambes. Mais le fonctionnement d’un cerveau « survolté » à l’électricité demeure un peu mystérieux. « Nous ne savons pas encore très bien ce qui se passe dans le cerveau pour obtenir de tels effets », précise le scientifique.

Ce n’est donc pas demain la veille que des programmes d’entraînement avec ce genre de technologies verront le jour. Pour l’heure, David Putrino cherche à définir les paramètres idéaux pour stimuler une partie précise du cerveau. Prochaine étape : changer la perception de la fatigue, ce qui pourrait permettre à des athlètes de dépasser leur plateau. 

Entre-temps, mieux vaut ne pas se poser des fils sur le crâne et y faire passer de l’électricité une vingtaine de fois par jour. Déjà, des entreprises vendent des appareils pour faire soi-même de la stimulation transcrânienne à courant direct. Le Dr Putrino invite à la prudence et estime que cette technique devrait être vue comme un « médicament ». On doit prescrire des doses réfléchies, puisqu’il en résulte des réactions chimiques. À ce jour, des milliers de personnes ont eu droit à des traitements avec stimulation électrique sans aucun effet secondaire néfaste. « Mais nous ne savons pas encore ce qui va se passer à long terme, surtout si les gens le font au quotidien », conclut le scientifique.

Quoi qu’il en soit, toute cette technologie pourrait devenir bien plus accessible au grand public au cours des prochaines années. Qui sait? Peut-être sera-t-elle même intégrée sous peu aux casques de vélo, pour pédaler avec le cerveau branché!

Pour aller plus loin

Neurofeeback
ici.radio-canada.ca/emissions/le_15_18/2014...

Méditation
petitbambou.com

Stimulation transcrânienne
actualites.uqam.ca/2015/stimulation-transcrani...

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