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Que peuvent nous apprendre les aventuriers sur le confinement et la solitude?

La pandémie de COVID-19 a mis le monde sur pause. Face au flux et au reflux des vagues d’infection, on se confine, on s’isole, on se distancie les uns des autres en attendant d’arriver au bout de ce voyage.

Habitués à faire face à de nombreux défis durant leurs expéditions, les aventuriers québécois ont certainement des choses à nous enseigner sur la gestion du confinement, de la promiscuité et de la solitude. Quatre d'entre eux – Mylène Paquette, Marie-Andrée Fortin, Sébastien Lapierre et Martin Trahan – nous donnent ici leurs conseils pour surmonter, tant bien que mal, cette crise.

Sébastien Lapierre : « Il faut positiver et sourire, quitte à se forcer!  »


© Sylvie Vincent

« Le découragement vient souvent du manque de motivation et la motivation va généralement de pair avec le sens que l’on donne aux choses. On cherche du sens à ce qui se passe, à ce qui nous arrive. On a trop souvent le mauvais réflexe de se dire que tout ceci n’a pas de sens et que cela ne sert à rien.

Il faut se recentrer sur ses valeurs, voir ce que l’on peut en retirer. Relativiser, se concentrer sur ce que nous avons ou sur ce qui nous reste pour sortir de cette négativité. Noël, c’est d’abord un moment de l’année ou on se recentre sur des choses simples, l’amour, la famille. Ce n’est pas juste le gros party et les grosses victuailles.

Durant mon expédition, j’étais tout seul en Antarctique. Malgré les conditions extrêmes (le vent, le froid...), j’essayais de me concentrer sur les choses positives : le paysage, les 50 nuances de bleu du ciel… Il faut faire abstraction des choses négatives, comme par exemple le nombre de cas ou de morts par jour, au détriment de ce que l’on a à sa disposition pour s’amuser, se divertir. On a encore le droit d’aller jouer dehors!

Quitte à se forcer : Darwin a démontré que simuler une émotion engendrait les mêmes réactions que si elle était vraie. Se forcer à sourire va générer la même décharge chimique qu’un sourire spontané. En Antarctique, je me faisais des blagues tout seul, des bêtises devant la caméra… Cela me faisait rire.

On a encore le contrôle sur notre moral. Faisons-nous du bien. Il faut s’inonder de positif! »


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Mylène Paquette : « Une question d’attitude pour chasser les pensées toxiques »


© Patrick Mével

« Ce n’est pas simple de rester motivé, de garder le moral ou d’avoir de la volonté. Le dénominateur commun de tout cela, c’est l’attitude. Au lieu de focaliser sur combien de temps cela va durer, il faut plutôt se demander comment en profiter.

C’est important d’avoir du recul sur soi, notamment sur les questions que l’on se pose à soi-même. Elles ont tendance à revenir tout le temps, par vagues. On rumine. Durant ma traversée de l'Atlantique, cela a pu m’arriver : "Pourquoi il ne fait pas beau? Pourquoi je ne peux pas avancer?" Au bout d’une heure, tu te rends compte que tu ne fais que chialer sur la météo, alors que tu n'as aucune prise sur elle.

Il faut chasser les pensées toxiques. Cela peut provenir de personnes autour de vous qui, en exprimant leur anxiété, vont vous la communiquer. C’était le cas pendant mon aventure avec des gens qui me transmettaient leur peur. Cela m’affectait énormément. Il est important de savoir reconnaître ces pensées toxiques, celles qui nous font changer de comportement et d’attitude en devenant négatif ou pessimiste.

Enfin, il faut changer de posture mentale. Cela passe par le langage intérieur, en se donnant des mots ou des phrases à dire quand on adopte la mauvaise attitude, pour être capable de passer au travers malgré tout. Cela peut aussi passer par des personnes positives qui vont nous aider ou des promesses d'une récompense en fin de journée : une pâtisserie, un bon film le soir… Il faut prendre une journée à la fois, un jour après l'autre! »

Pour d’autres conseils de Mylène Paquette, on vous suggère de (re)voir ses mini-conférences filmées en Facebook Live : facebook.com/MylenePaquettePublic/videos


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Martin Trahan : « Accepter et relativiser sa propre situation »


© Yan Kaczynski

« En expédition, on vit non seulement dans la promiscuité avec les membres de son équipe, 24 heures sur 24, mais également avec aucune possibilité de prendre ses distances, dans un environnement parfois hostile. Là, en ce moment, les gens sont confinés, mais avec un certain confort : une douche, un lit, une toilette, un abri.

Malgré tout cela, la situation reste compliquée. Il faut essayer de s’accrocher au positif, de se renouveler. Il est facile, face à la routine, de perdre de l’intérêt, de la motivation. Essayez d’être créatif, de vous renouveler par l’humour, de surprendre là ou les personnes avec qui vous êtes confinés, pour éviter de tomber dans la morosité ou la mélancolie.

Malgré mes nombreuses expéditions, je n’ai pas l’impression d’être mieux équipé que monsieur et madame Tout-le-Monde face à cette crise. Ce que je trouve le plus difficile en ce moment, ce n’est finalement pas tant la solitude ou le confinement que le fait d’être incapable de me projeter dans l’avenir. Je me demande quand la pandémie va cesser, et quand cesseront ses impacts sur la société, quand aurai-je le vaccin, quand aura lieu ma prochaine expédition…

Toutefois, j’accepte la situation comme elle est. L’acceptation est la première étape. Je vois l’impact du virus dans mon boulot, comme technicien en travail social, sur les personnes âgées. Je les vois mourir. Des gens que je connaissais depuis 8 ans et qui auraient dû vivre encore quelques années. Cela me permet aussi de relativiser ma propre situation. Je sais qu’un jour ou l’autre, cela va se replacer pour moi, comme pour beaucoup d'autres. »


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Marie-Andrée Fortin : « Savoir s’adapter et trouver un équilibre »


© Collection personnelle

« Savoir s’adapter, c’est l’une des plus belles qualités qu’une aventurière et guide puisse avoir, peu importe le milieu ou l’endroit dans lequel elle évolue.

En tant que guide, je pars souvent à la dernière minute pour accompagner un groupe sur une destination. Sans ces voyages et avec le confinement, cela m’a amenée à devoir trouver un nouvel équilibre de vie. J’ai pu profiter de choses que je n’avais normalement pas le temps de faire, comme élever des poules ou m’occuper de mon jardin. J’ai aussi repris la musique alors que la vie et le temps ne me le permettaient pas auparavant.

Comme guide, on est aussi très souvent seul avec un groupe. Il est alors important de savoir reconnaître ses propres besoins, les identifier et les préserver par rapport à ceux des autres. J’ai continué d’être active : courir, plonger, faire du yoga… Je me suis aussi donné le droit au recueillement, au silence.

Même en expédition avec d’autres aventuriers, comme ce fut le cas avec projet Karibu, on n’est pas ensemble côte à côte tout le temps, pendant 130 jours. On est aussi seul avec soi-même. C’est même nécessaire, car on pense à plein de choses, notamment à ce qui nous rend heureux. Il faut continuer à rêver, à se projeter. On peut voir le confinement comme un moment de pause et se demander : "Que vais-je faire à court, moyen et long terme ?" »

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