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  • © Jérôme Bourdages-Duclot

Gravel & bikepacking : tracer ses sentiers de vélo… ensemble

Les cyclistes sont de plus en plus nombreux à quitter les artères bitumées. Avec une infinité de routes de terre et 300 000 km de chemins forestiers, le Québec offre des options infinies pour de longs séjours hors des sentiers battus. Les adeptes du vélo de gravelle et de bikepacking commencent à miser sur la créativité communautaire pour mettre en valeur des parcours aux quatre coins de la Belle Province.

Le tour de la Gaspésie en backcountry

Imaginez passer une semaine à rouler sur des chemins de terre dans la grande nature sauvage, passer de la toundra subalpine à la forêt boréale, croiser de nombreuses rivières avant de humer la brise saline et finir le parcours en bord de mer. Autant de contrastes qu’offre la TransGaspésie à vélo, un parcours de 475 kilomètres avec 7000 mètres de dénivelé, entre Amqui et Gaspé.


© Jérôme Bourdages-Duclot

Parcourir de 65 à 70 kilomètres par jour, c’est ce que Jérémie Bourdages-Duclot et Luc Cloutier ont fait à l’été 2019, en traçant leur voie sur des sentiers hors route de Gaspésie. « Le réseau de chemins de gravelle et de terre de cette région est une mine d’or pour les bikepackers, résume d’emblée Jérémie Bourdages-Duclot. Les montagnes, les rivières émeraude et la finale en bord de mer : le trajet a tout le potentiel pour devenir un classique. » De retour à la maison, les aventuriers ont partagé le tracé réalisé avec la communauté grandissante de bikepackers, stimulant ainsi les échanges d’information sur leur passion commune.

Toutefois, en 2020, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) est venu jeter un pavé dans la mare en fermant 50 kilomètres de chemins forestiers dans la réserve faunique des Chic-Chocs, dont une section située au pied du mont Vallières-de-Saint-Réal, dans le cadre du Plan de rétablissement du caribou forestier (voir encadré). Ainsi, le parcours tracé par les deux aventuriers ne pourra désormais plus être emprunté dans sa totalité. La décision du MFFP a frustré plusieurs adeptes qui comptaient visiter ce secteur. Avec plus de 300 000 kilomètres de chemins forestiers, soit autant que la quantité de routes pavées, le Québec a cependant énormément d’options à offrir aux fidèles de vélo de gravelle et de bikepacking, dont la pratique est en essor monstre aux quatre coins du Québec.


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De nouveaux parcours en vue


© Jérôme Bourdages-Duclot

C’est en testant la Green Mountain Gravel Growler, un tracé de 400 km qui relie les microbrasseries du Vermont, qu’un groupe d’adeptes (dont fait partie Jérémie Bourdages-Duclot) a eu l’idée de développer un parcours similaire en Estrie, où l’on retrouve un vaste réseau de sentiers de gravelle. « On a lancé l’idée sur une page Facebook regroupant la communauté de bikepackers dans la région, explique ce dernier. Tout le monde s’est mis à y contribuer, ce qui a permis de définir un tracé de 640 km, avec un dénivelé positif de 6400 m, où l’on peut profiter d’une vingtaine de microbrasseries. » 

C’est ainsi que le Boucle brassicole des Cantons a vu le jour, un parcours qui exige une semaine pour en profiter pleinement. Ce n’était que le premier projet de la communauté des Cantons, car d’autres trajets se sont ajoutés depuis sur la plateforme du Collectif de vélo d’aventure des Cantons, et ce nombre est voué à croître au fil du temps. Ailleurs au Québec, on remarque le même phénomène de partage de tracés, notamment sur le groupe Facebook Bikepacking.qc.

Le Québec façon gravelle


© Jérôme Bourdages-Duclot

Tant qu’à faire des boucles ici et là, pourquoi ne pas entreprendre un circuit transquébécois de bikepacking par un réseau de sentiers forestiers ? Telle est l’initiative lancée par Etienne Théroux, guide de voyage à vélo. « Quand la pandémie est arrivée en mars 2020, je me suis retrouvé avec beaucoup de temps et je me suis plongé dans les cartes », dit-il.

Ce dernier a donc tracé un itinéraire de Rouyn-Noranda à Percé, sur une distance de 3050 km, en priorisant les routes de gravier.

« Ça donne un mélange de sentiers qui passent à travers les parcs nationaux, les zecs, les réserves fauniques, les chemins forestiers et les pistes cyclables, avec le moins de routes pavées possible », dit-il.

Faute de temps pour aller vérifier tout l’itinéraire par lui-même, Etienne Théroux a également misé sur la communauté, en créant un forum participatif. Quatre adeptes ont travaillé activement sur le terrain, dont Marie-Pierre Savard, qui a ouvert un itinéraire de 2500 km entre Gatineau et Percé. Malgré le travail de recherche sur les cartes, cette dernière a dû rebrousser chemin à quelques reprises pour trouver d’autres options.

« Ça m’a permis de prendre conscience de toutes ces possibilités que le Québec a à offrir », s’enthousiasme Marie-Pierre Savard, qui possède une vaste expérience en cyclotourisme international. Développer un sentier transquébécois peut être un projet rassembleur pour toute la communauté, estime Etienne Théroux. « Ça permet d’unifier des segments pour créer la colonne vertébrale d’un réseau, dit-il. Par la suite, on pourra y greffer des boucles pour relier les grandes villes avec des circuits parallèles. »

Traverser la Belle Province par ses chemins de gravelle sur plus de 3000 km marque l’imaginaire, ce qui pourrait attirer de nombreux adeptes internationaux… dans un monde post-COVID. À peine créées, des entreprises commencent déjà à offrir des forfaits pour rouler sur le sentier. C’est notamment le cas de l’entreprise torontoise TDA Global Cycling, qui a lancé un premier séjour guidé en bikepacking, entre Ottawa et Québec, en empruntant le sentier défini par le Québec Bikepacking Traverse. Avec l’essor de la pratique, cette offre est vouée à croître au cours des prochaines années.


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Vous n’êtes pas seul en forêt !

Plusieurs adeptes de vélo de gravelle et des acteurs touristiques se sont insurgés contre la décision de fermer une cinquantaine de kilomètres de chemins forestiers en 2020 dans le cadre du Plan de rétablissement du caribou forestier. Ils ont fait valoir le peu d’impact qu’ils exercent sur le milieu comparativement à celui des compagnies forestières. C’est vrai, mais les touristes, notamment les skieurs, exercent aussi un impact sur les caribous.

« Cet impact additionnel, qui est certes moindre que celui de la foresterie, s’ajoute encore », explique Martin-Hugues Saint-Laurent, biologiste à l’Université du Québec à Rimouski et spécialiste du caribou. En effet, les chemins sont les voies d’accès empruntées d’abord par les orignaux, en quête de branches de feuillus qui poussent après les coupes forestières, puis par les loups et les coyotes, qui suivent les orignaux.

Tout comme les adeptes du plein air, les forestières doivent aussi mener une exploitation sans trace (à long terme) en fermant les chemins forestiers. Quant au développement éthique du bikepacking, le civisme et le respect du Sans trace sont aussi de mise, notamment sur les propriétés privées. Par le passé, un manque de respect envers les propriétaires privés a notamment causé la fermeture de certains sentiers des Kingdom Trails, au Vermont. Avant de planter sa tente sur un terrain, on doit demander l’accord du propriétaire. Et peu importe où on va, on ne laisse aucune trace de son passage. Ça permettra de développer encore plus de partenariats à venir.


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Des liens pour découvrir des tracés

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