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  • Mont Porphyre © Félix Rioux

Murdochville : le Saint des Saints du ski hors-piste québécois

À une centaine de kilomètres de Gaspé, au cœur d’un chapelet de montagnes qui élèvent l’âme, Murdochville continue d’attirer les pèlerins du ski et de la glisse hors-piste, mais aussi ceux qui cherchent la rédemption par le plein air. Lève-toi et skie!


Alléluia, gloria in excelsis Deo : l’ancienne église de Murdochville, délaissée par ses ouailles depuis la fermeture, en 2002, de la mine et de la fonderie qui faisaient jadis vivre les habitants de cette ville, est ressuscitée d’entre les monts et s’est mise à re-susciter l’intérêt des pleinairistes l’hiver dernier.

Car si elle accueille désormais le Quartier Général du Chic-Chac, cette entreprise récréotouristique qui a redonné vie à ce bled jadis moribond, l’église est également redevenue la première scène (et non la dernière) de la ville et le lieu de rencontre de son unique paroisse, mais pour d’autres célébrations : celles de l’après-ski, des libations à la bière fraîche, du partage de la bonne chère, des spectacles et des rencontres entre disciples du plein air, la nouvelle religion de la ville et de sa région immédiate.

Il faut dire que depuis le rachat et la rénovation de l’église par Guillaume Molaison, grand prêtre du Chic-Chac – qu’on pourrait qualifier de « sauveur de Murdoch » –, plus de 1,3 million de bidous y ont été investis, comme un baume de jouvence lui évitant l’extrême-onction. C’est qu’il fallait agir : depuis quelques années, Murdochville est devenue la Mecque plus ultra du ski hors-piste au Québec – voire dans le nord-est du continent. Avec tous ces apôtres de l’or blanc qui succombent de plus en plus à la tentation de venir y communier, hiver après hiver, un minimum d’infrastructures se devaient d’être retapées, agrandies ou (re)converties.


© Khanh Nguyen

Bénie par la proximité des eaux – au cœur de la péninsule gaspésienne, à 40 km du Saint-Laurent –, Murdoch est chaque hiver gratifiée par le ciel de 7 mètres de neige en moyenne, comme s’il s’agissait d’un geste tout puissant du Très-Haut. Ce miracle blanc forme un divin linceul qui recouvre et adoucit toute chose – pas éternellement, hélas –, en particulier les sommets des monts Notre-Dame qui composent la Sainte Trinité hors-piste de ce vaste domaine skiable, voisin du parc national de la Gaspésie et de la réserve faunique des Chic-Chocs : le Porphyre, le Lyall et le York.

Inutile d’attendre une révélation pour s’attaquer aux flancs du territoire neigeux de Murdoch : directement aux portes de la ville s’élève le mont Porphyre, une montagnette dont on atteint le sommet en une heure, et ce, sans vivre le calvaire, grâce à des peaux d’ascension. Là-haut, on est ensuite prié de marquer une pause dans le petit refuge semblable à une microchapelle, après avoir retiré les peaux de ses skis et avant de dévaler des pistes sauvages doucement inclinées. Droit en bas s’étendent aussi l’ancienne mine de cuivre ainsi que le  « mont » Copper, formé de résidus miniers, où les novices vont se faire les dents et affûter leurs spatules avant de s’attaquer à plus gros. Bref, le Porphyre forme un excellent endroit pour un baptême de ski de montagne; Ite skia est : allez et skiez en paix.


© Page Facebook de Chic-Chac

Une coche plus haut dans le registre skiable du territoire d’activités de Murdoch trône le mont Lyall, limitrophe de la réserve faunique des Chic-Chocs et à 45 minutes de voiture du Chic-Chac. Aménagé par d’autres disciples de la foi neigeuse – la Coop Accès Chic-Chocs –, il offre 330 mètres de dénivelé composé de ravissants sous-bois en îlots inondés de poudreuse grâce à une orientation et à un relief judicieusement aménagés – peut-être par l’Éternel? Pour se sentir ici sanctifié par la multiplication des flocons, ce n’est pas la croix et la bannière, mais il faut tout de même compter une approche de 45 minutes et un autre 45 minutes d’ascension avant d’atteindre le pinacle de ce sanctuaire blanc et d’y vivre une sorte d’état de grâce qui ne laisse pas de glace.


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Et puis il y a le mont York, septième ciel skiable du Chic-Chac. Sa création n’a pas nécessité sept jours, mais bien sept années de défrichage ciblé par des skieurs-bûcherons qui lui vouent un véritable culte. Le résultat vaut le déplacement : un gros terrain hors-piste semblable à ce qu’on peut retrouver dans l’Ouest, avec des couloirs, des pentes inclinées à 45 degrés et une vingtaine de plateformes en rondins pour permettre aux adorateurs de la glisse de s’envoler comme des anges avant de s’offrir de blanches ablutions dans un bain rituel de poudre neigeuse.

© Félix Rioux

« Des domaines skiables qui se sont fait donner autant d’amour en sous-bois, y’en a peu au Québec », confesse Guillaume Molaison. L’aménagement des pistes est fluide et on a voulu créer des liens entre plusieurs corridors, avec des îlots et des secteurs couverts. « En fait, y’a rien de comparable à ça dans l’est de l’Amérique du Nord », poursuit Guillaume d’un ton papal. Même si on imagine qu’il prêche pour sa paroisse, on est tenté de lui donner le bon Dieu sans confession.

Pour accéder à cet éden skiable de 20 pistes pour les seuls initiés, il n’y a pas trente-six solutions : c’est soit le cat-ski (à bord de l’une des quatre chenillettes du Chic-Chac), soit le ski héliporté. Dans ce dernier cas, il faut cependant verser une obole digne de Crésus, mais en échange, on se rapproche d’autant plus de l’expérience divine qu’on survole l’œuvre de l’Architecte du monde avant d’y atterrir et de récolter ses fruits.

© Chok Images (photo de gauche) / © Page Facebook de Chic-Chac

« L’hélicoptère, ça permet aussi d’aller chercher les plus belles descentes des environs en une seule journée », ajoute Guillaume Molaison. C’est un peu comme accéder rapidement à une sorte de Sinaï immaculé pour y recevoir les Tables de la loi du ski hors-piste, à commencer par celle-ci : « En tout temps sur toi ton DVA tu porteras ». Car en terrain avalancheux, le risque de vivre l’enfer est bien réel; à méditer, donc.

Cela dit, il ne faut pas croire que Murdoch est réservée aux patriciens du ski hors-piste. Bonne nouvelle : il y a aussi de la place pour la plèbe débutante et intermédiaire ainsi que les coreligionnaires de la glisse classique. Au mont Miller, la vénérable station de ski de la ville, on accède ainsi à 4 pistes damées, et ce, sans effort grâce à l’unique remontée – une arbalète –, mais aussi aux 32 autres pistes de la station, nullement travaillées. Le mont Miller forme donc un autre site privilégié pour tâter de la neige folle sans avoir à suer sang et eau lors d’un chemin de croix en montée, en plus de ne jamais être surfréquenté – éloignement et isolement obligent.


© Page Facebook de Chic-Chac

« C’est parfait pour peaufiner sa technique dans la neige vierge avant de s’attaquer aux autres sommets », assure Steve-Éric Savoie, guide d’aventure local. Après ce rituel quasi obligé, nombreux sont ceux qui gardent d’ailleurs la foi en leurs capacités de communier avec les éléments du hors-piste, comme l’ont fait tous les disciples de la jeune, pétulante et rafraîchissante communauté de skieurs qui évolue et gravite à Murdoch.

Rien là de plus normal : la petite ville et ses environs sont l’un des meilleurs endroits au Québec où trouver de la creuse (un épais couvert neigeux) et de la fraîche (une belle bordée récemment tombée). « Et puis c’est à travers le retour à la nature, le plein air et l’activité physique que Murdochville est en train de renaître », conclut Guillaume Molaison.

Amen.


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À savoir


Mont York © Félix Rioux

- Murdochville est située à 60 minutes de Gaspé, à 7 heures de Québec et à 9 heures 30 minutes de Montréal. L’aéroport de Gaspé est à une heure de voiture. On espère débuter la saison 2022-2023 le 3 décembre et la poursuivre jusqu’en avril.

- Sur place, les options d’hébergement sont plutôt limitées. Outre le motel L’Olympique (fraîchement rénové), des résidences et une auberge, le Presbytère offre plusieurs chambres correctes mais au confort monastique.

- Pour s’adonner au ski de montagne à Murdochville, on peut faire appel aux guides du Chic-Chac (entre autres) ou y aller en autonomie (dans certains secteurs). Pour ce faire, il faut se procurer une passe journalière (10 $) ou devenir membre de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (32 $/an pour les 20 ans et plus), ce qui permet d’accéder aux quelque 130 sites gérés par la FQME et qui donne droit à une assurance accident et au transport médical d’urgence. Le site de la FQME compte par ailleurs de nombreuses vidéos décrivant l’expérience de chaque secteur de ski de Murdochville et de ses environs.

- En plus du ski, plusieurs activités de plein air sont offertes à Murdochville, que ce soit l’hiver (raquette, fatbike…) ou l’été (camping, rafting, rando, canoë, kayak, vélo de montagne…). D’autres entreprises de plein air se sont établies sur place, comme Le Couloir, qui ne sera sans doute pas la dernière.

- Après deux ans d’absence, la grand-messe du ski hors-piste féminin, le White Lips, sera de retour cet hiver à Murdochville, du 11 au 14 janvier 2024.

- Pour plus d’infos sur le développement du ski hors-piste en Gaspésie : COOP Accès Chic-Chocs, facebook.com/coopacceschicchocs

- Autres infos : tourisme-gaspesie.com


L’auteur était l’invité de Tourisme Gaspésie et du Chic-Chac.


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