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Madère, l’île refuge au cœur de la tempête

Réputée pour être l’une des plus belles îles au monde pour la randonnée pédestre, Madère, par son isolement géographique dans l’Atlantique, est devenue en 2020 l’une des destinations européennes les moins touchées par la pandémie de la COVID. Notre journaliste a sillonné ses sentiers quelques jours avant le confinement.

Si le Portugal a fait bonne figure en Europe en matière de nombre restreint d’infectés par la COVID pendant la pandémie, son île atlantique de Madère remporte la palme avec seulement 90 cas sur une population moyenne de 260 000 insulaires (avant la reprise des activités touristiques, le 1er août 2020). Des mesures sanitaires draconiennes imposées par les autorités locales ainsi que son isolement géographique ont permis à ce petit paradis de rouvrir rapidement ses portes aux touristes et aux randonneurs en quête d’un refuge sanitaire. 

L’ombre d’un désastre planait pourtant, le 17 mars dernier, lorsque le premier cas de COVID a été détecté sur l’île, trois jours après mon arrivée à Funchal, la capitale. Madère fut alors totalement fermée à l’entrée de touristes et ceux déjà présents furent mis en attente. L’occasion pour mon groupe de randonneurs et moi-même d’aller explorer les sentiers en attendant notre rapatriement. 

Rando sur les levadas 

Dès le premier jour, au départ du marché coloré de Santo da Serra, petit village niché dans la montagne, on apprend bien vite que, sur cette île paradisiaque, c’est toujours la saison d’un fruit, d’un légume ou d’une fleur. En mars, par exemple, c’est le début de la période des hortensias, des hibiscus et des fuchsias. Le sentier grimpe entre les jardins fleuris jusqu’à atteindre les premières levadas, un réseau de canaux d’irrigation construits à flanc de falaise afin de conduire l’eau des montagnes jusqu’aux cultures en terrasse des vallées agricoles. Depuis le sentier qui borde ces canaux, la vue sur le large est spectaculaire et plonge de manière vertigineuse vers les canyons de verdure creusés par les anciennes coulées de lave, jusqu’à l’océan. 

Après deux heures de marche à plat le long de ces balcons naturels, on redescend à travers la laurisilva, une forêt de lauriers qui recouvrait autrefois toute l’île avant l’arrivée des colons portugais — Madeira signifiant «bois» dans leur langue. Les essences d’arbres, endémiques, européennes ou tropicales, se mêlent toutes aujourd’hui, et l’odeur de gomme sucrée d’eucalyptus embaume notre chemin descendant. 

Les mollets commencent à tirer sévèrement lorsqu’on quitte subitement la forêt en amont de l’adorable village de Porto da Cruz. À travers un dédale de ruelles escarpées, on peut admirer sa baie, encadrée d’impressionnantes falaises déchiquetées, ainsi qu’une pittoresque plage de sable noir. En soirée, dégustation de la poncha de maracujá, le punch local préparé à base de rhum madérien, de canne à sucre, de jus de citron et de fruit de la passion. Bref, une journée au pays des délices. 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Rando sur le Camino Real 

Après avoir admiré son bleu profond en altitude, l’océan nous appelle le long du plus beau sentier côtier de l’île: le Camino Real, alias le chemin royal. Départ de Santana pour longer le littoral sur une dizaine de kilomètres en haut de falaises monumentales, tapissées de genêts aux couleurs safran. 

Si une chose nous saute aux yeux à Madère, c’est bien la diversité de la végétation. Pour comprendre comment peuvent coexister sur une même île des conifères, de la vigne et des arbres fruitiers exotiques, notre guide, Roberto, nous explique les trois zones de végétation qui recouvrent Madère: du niveau de la mer à 300 mètres d’altitude, c’est la zone subtropicale, où l’on cultive la canne à sucre et la banane, entre autres. Jusqu’à 750 mètres vient une zone au climat méditerranéen où poussent les genêts, la vigne et la plupart des fruits européens et tropicaux. Plus haut et jusqu’aux sommets de Madère, à 1800 mètres d’altitude, on trouve enfin une zone tempérée froide où se côtoient les pins, bruyères, acacias mimosas, lauriers, eucalyptus, fougères et autres pâturages. 

Le Camino Real est le meilleur sentier de l’île pour découvrir cette biodiversité exceptionnelle. Ancien chemin pavé, utilisé autrefois par l’aristocratie insulaire pour traverser l’île, il représente aujourd’hui un beau parcours, tantôt côtier, tantôt montagneux. Notre tronçon nous mène bientôt à travers les cactus jusqu’à São Jorge et ce qui fut jadis le plus important port de l’île, dont il ne reste plus qu’un embarcadère usé, accroché on ne sait comment à la falaise. Les points de vue sont tous plus spectaculaires les uns que les autres, et le gris orageux du ciel apporte une touche dramatique au décor. 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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On grimpe en fin de journée jusqu’aux terrasses viticoles du village d’Ilha, où nous attend une dégustation du fameux vin de Madère. Proche du porto, cet alcool liquoreux est issu de vignes cultivées en terrasse ou encore sur pergolas, c’est-à-dire qu’elles poussent en treille sur des montants de bois, en dessous desquels sont plantées d’autres cultures. Une idée ingénieuse pour optimiser l’espace de cette île ô combien fertile, mais malheureusement de taille restreinte. 

Rando sur les Picos 

Le ciel est orageux et le vent fait rage dès le petit matin de notre troisième (et dernière) journée de rando. C’est pourtant vers le Pico Ruivo, plus haut sommet de Madère — à 1860 mètres d’altitude —, que notre regard se porte. Déposés à l’observatoire météorologique du Pico do Arieiro, qui est plongé dans la brume, nous commençons la randonnée sans trop savoir ce qui se cache sous les nuages qui chatouillent la crête sur laquelle nous marchons. Le chemin est taillé dans le basalte et la lave du volcan qui a craché sa rage pour la dernière fois il y a 6000 ou 7000ans. Un instant, les nuages s’effilochent pour dévoiler une gorge tropicale profonde qui glisse vertigineusement jusqu’à la mer. Tout bien réfléchi, je préférais quand je ne savais pas encore ce qu’il y avait en contrebas! 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Le sentier alpin, parfois entaillé de tunnels et d’escaliers escarpés, enchaîne les points de vue sur les plus hauts pics de l’île. Une fois au Pico Ruivo, le panorama est spectaculaire. On se sent si loin de l’Europe en voie d’être confinée, des mesures sanitaires en cours d’élaboration et des premiers bilans terrifiants. Pour quelques heures encore, nous planons au-dessus des cieux, les effluves sucrés des fleurs et des vergers remontant les flancs des montagnes jusqu’à nos narines, sans la moindre gêne d’un masque obstruant notre respiration. 

À notre retour en vallée, la nouvelle tombe. Tous les visiteurs étrangers doivent regagner l’aéroport et prendre le prochain vol vers leur pays d’origine. La suite, tout le monde la connaît. Je me sens parmi les plus chanceux d’avoir pu vivre ces quelques jours de dépaysement et d’oxygénation avant de me retrouver cloîtrée à l’intérieur pour plusieurs mois. Chanceuse également de ne pas avoir été touchée par cette satanée maladie et d’être encore là aujourd’hui pour vous raconter toutes les merveilles admirées sur ce petit paradis perdu en Atlantique. À mon avis, les scientifiques devraient se pencher sur les vertus du vin de Madère pour trouver la recette du futur vaccin anti-COVID… 


Zoom sur Madère 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Situé à moins de 2 heures en avion de Lisbonne, l’archipel portugais de Madère baigne dans l’Atlantique, à 660km en face de la côte marocaine. D’origine volcanique, son île principale, du même nom et d’une superficie de 750km2, est constituée de pics rocheux découpés par de profondes vallées à la végétation subtropicale. Sa température douce à l’année et ses centaines de kilomètres de sentiers montagneux et côtiers lui confèrent des atouts indéniables pour séduire les randonneurs. 


Pratico-pratique 

De Montréal, plusieurs compagnies aériennes proposent des vols vers Lisbonne: Air Canada, Air Transat, Air France et TAP Air Portugal (avec vols sans escale depuis peu). De là, EasyJet, Transavia et TAP Air Portugal relient la capitale portugaise à Funchal, aéroport principal de Madère, en vols nolisés d’environ 2 heures. 

L’agence Terres d’Aventure propose, pour sa part, huit séjours de randonnée pédestre en petits groupes à Madère, dont «Kaléidoscope de Madère», qui a donné lieu à cet article. Guide francophone, nuitées en pensions modestes ou en petits hôtels et transport des bagages entre les étapes sont compris dans ce séjour de sept jours, offert tous les mois de l’année. 


L’auteure était l’invitée de Terres d’Aventure.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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