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Plein air nocturne

« Fais gaffe au grand monstre ! » me hurle un gars dont je n’ai pas le temps de voir le visage. Il faut vite embarquer sur le zodiac, car le soleil a déjà disparu et la nuit tombe vite. Sur le trajet qui nous sépare du site de plongée, j’ai le temps de laisser vagabonder mon imagination à mesure que les étoiles apparaissent dans le ciel. Le panorama sur le rocher Percé est splendide. L’appréhension monte peu à peu. Une plongée de nuit n’est pas chose anodine : l’exercice est réservé aux plongeurs expérimentés.

Quelques jours plus tôt, je me trouvais dans le même état d’esprit, à plus de mille kilomètres de là. Pas sur un bateau, mais dans l’autobus scolaire acheté par HorizonX, lequel me conduisait sur le site d’embarquement pour une descente nocturne de rapides en rafting en Outaouais. La lune était pleine et la nuit étonnamment claire. Le bus roulait à toute vitesse. Dans les deux cas —plongée et rafting —, une combinaison isothermique est nécessaire. En plongée, c’est une lampe qui me permettra d’y voir clair et de me repérer dans le grand noir. Sous l’eau, les instruments (profondimètre et baromètre) sont phosphorescents. En rafting, ce sont des bâtons de lumière accrochés à nos casques et poignets qui permettront de nous localiser. Après un dernier rappel des recommandations de sécurité, on se lance.

Le voyage sous l’eau commence. Je reste près de Réal, mon accompagnateur et gérant du Club Nautique de Percé. Au bout de la corde d’amarrage, une lampe de sécurité marque l’emplacement du bateau et renvoie de grands éclairs aveuglants. On s’enfonce dans le noir, lampes braquées vers le fond. La gravité n’existe presque plus. La lumière se perd à quelques mètres de moi, comme si elle se dissolvait dans le plancton. Je repense au rafting et me rappelle le calme qui entourait notre raft avant les rapides. La lune se réfléchissait sur le miroir de l’eau et le ciel était si clair qu’on ne savait plus très bien si l’on flottait où si l’on volait. Martin, notre guide, avait profité de ce court moment de calme pour nous parler astronomie et nous raconter une légende algonquienne. Mon imagination se laissait prendre par ses récits et je voyais tout autour de nous des canots iroquois. Le silence était épais. Je n’entendais que le clapotis de l’eau soulevée par les rames, comme je n’entends que le craquement des bulles lâchées par mon détendeur.

Mon premier contact avec le fond est un gigantesque homard qui se cabre et tend ses pinces dès que la lumière l’atteint. En progressant un peu, je me rends compte que le site abrite des trésors de biodiversité : crabes, homards de toutes les tailles, éponges, coraux mous et multitude d’étoiles de mer multicolores.

À bord de notre raft, la lune éclairait si violemment qu’on voyait à peine les étoiles dans le ciel. Nous pouvions en revanche distinguer nettement notre ombre projetée sur la surface de l’eau. « Parfois, la lune est tellement forte qu’on doit se protéger de sa lumière avec la main comme de celle d’une torche braquée sur les yeux », m’avait dit Martin. Bêtement, je croyais qu’il plaisantait. Un cordon de brume séparait la surface de la ligne noire des arbres. Le paysage était noir et blanc, comme lissé par la pâle lumière lunaire.

Sous l’eau, c’est le contraire : une explosion de couleurs. Les teintes des éponges et des coraux sont beaucoup plus vives la nuit lorsqu’elles sont éclairées directement par ma lampe et non par la lumière solaire filtrée par des dizaines de mètres cubes d’eau. Les homards détonnent et les crabes se croient les rois du camouflage. Il suffit de les approcher pour les voir détaler en pas chassés. Des crevettes s’agitent autour des éponges. Des forêts d’algues interminables ondulent mollement. Chaque mètre parcouru révèle des créatures aux couleurs saturées. Mais étrangement, aucun poisson. Ils doivent dormir. Pour corser un peu les choses, mon guide se glisse sous une immense paroi sous-marine. Je m’enfonce aussi dans cette caverne qui livre ses secrets à mesure que je l’éclaire. La sensation de claustrophobie est forte : je ne vois autour de moi que des roches et ne repère pas encore la sortie. Je peux à peine tourner sur moi-même. Réal dirige sa lampe vers moi et décrit de grands cercles pour me demander si tout va bien. Je réponds par le même signe. Tout est OK.

Sur notre rivière de rafting, c’est le bruit des rapides qui nous sortira de notre rêverie. On distinguait peu à peu une masse blanche et bruyante qui se rapprochait. Le premier rapide ne présenta pas de difficultés, et pour cause : il n’est pas permis de faire du rafting la nuit sur des rapides de classe supérieure à 2. Je m’attendais à plus difficile et fus parfaitement rassuré par ce premier épisode. Je me sentais en sécurité, ce qui me laissait le temps d’admirer à loisir les îles dont les silhouettes se détachaient sur le blanc des rapides. Martin proposa à l’équipage de passer un rapide en bodysurf. Chacun entra dans l’eau avec précaution et je constatais à ce moment précis à quel point le courant était puissant. Puis on se laissa flotter sur le dos. En quelques secondes, nous voilà devant le trou formé par la dépression après le rapide. J’eus à peine le temps de le voir que je fus aspiré… pour en ressortir comme un bouchon quelques mètres en aval. En regardant plus haut, je verrais les baguettes phosphorescentes multicolores des autres rameurs disparaître dans l’écume du tourbillon. Sensations garanties. La devise de Martin me revint en tête : « Le plus de fun que tu peux avoir en maillot de bain! » En remontant sur le raft, je réalisais comment l’eau était chaude. Nous étions fin août et les nuits étaient déjà fraiches.

Sous la surface, l’eau aussi devient froide malgré ma double combinaison de sept millimètres (la température de l’eau oscille entre 16 et 4°C). Je remarque des étincelles vertes qui s’agitent dans le sillage de mon guide sous-marin. Est-ce que j’ai des hallucinations? Est-ce le froid qui m’engourdit le cortex? C’est le moment que Réal choisit pour éteindre sa lampe. Je fais de même. Le noir total. J’aperçois une lueur pâle et fantomatique près de moi. La lumière qui se dégage est suffisante pour me permettre de voir que Réal se tient à la corde de l’encre du zodiac tout en frottant énergiquement sa combinaison de son autre main. J’assiste à une manifestation de bioluminescence. À chaque mouvement un peu brutal sous l’eau, une myriade de petites étoiles apparaissent et dansent quelques secondes avant de laisser place à l’obscurité totale. J’agite mes mains, mes palmes et frotte la corde avec vigueur : des dizaines de ces petites comètes phosphorescentes jaillissent et m’entourent. De véritables perséides subaquatiques. Une galaxie sous l’océan. Le moment est magique !

Mais il est malheureusement temps de remonter à l’air libre. De retour sur le zodiac, je constate que la lune se lève au loin, diffusant à l’horizon une pâle lueur orange. La voûte céleste est immense et j’ai l’impression de n’avoir jamais vu autant d’étoiles. C’est à se donner un torticolis. Le silence est de rigueur. Chacun repense à sa plongée.

Le plein air nocturne constitue une expérience fascinante et totalement nouvelle pour les sens. C’est comme découvrir un autre univers. Comme si l’on vous prêtait pour quelques heures une nouvelle paire d’yeux. C’est une façon différente de voir le monde, lequel vous transporte dans un univers de conte fantastique, féérique et troublant. J’ai survécu au « grand monstre » et ne veux plus dormir désormais : il y a trop de merveilles à voir la nuit.

 

HorizonX
« La plus petite compagnie de haute qualité »

Situé à environ 100 km de Gatineau, à l’Île-du-Grand-Calumet (rivière des Outaouais), HorizonX est le seul club au Canada qui organise des sorties de rafting à la pleine lune. Depuis 2008, Martin – qui navigue sur la rivière depuis 15 ans – fait découvrir le canal Calumet aux amateurs de sensations nocturnes. Aménagé tout en bois, le club offre un panorama de rêve à 180° sur toute la rivière qui amorce un virage à cet endroit précis. Chaises longues, Jacuzzi, hamacs multicolores et sapins à l’ombre généreuse. Soupers et BBQ sur la terrasse dominant la rivière, feu de camp et guitare : le cadre est idyllique. Martin propose des emplacements pour camper ainsi que des tentes de trappeur. (1 866 695-2925 • horizonx.ca)

Club Nautique de Percé
Au service de la découverte du milieu marin
Le Club Nautique de Percé (qui existe depuis 25 ans) est le seul qui soit autorisé à organiser des sorties de plongée sur les 23 sites répertoriés autour de l’Île Bonaventure. Le coin est considéré par les spécialistes comme l’un des plus beaux du Québec pour la plongée sous-marine. Le club organise au total près de 3 000 plongées par saison du 1er juin au 15 septembre. En tant qu’organisme sans but lucratif, le club n’a aucune logique commerciale : son but est avant tout de faire découvrir la faune et la flore exceptionnelles du parc national de l’Île de Bonaventure. (418 782-5403 • percenautic.com)

 

Autres bons plans de plein air nocturne :

Été

>> Le parc national de la Jacques Cartier propose des expéditions en rabaska au crépuscule, sur un lac (22 $ environ) ou sur la Jacques Cartier (11 $ environ) entre 20 h et 22 h. Randonnée nocturne entre 21 h et 23 h (7 $ environ). (418 848-3169 • sepaq.com)

>> Le parc national de la Gaspésie propose également des balades en rabaska « à la tombée du vent », en compagnie d’un garde-parc naturaliste. Activité grand public très sécuritaire sur lac dans une embarcation de 21 places. Départ à 19 h 30. Compter 15 $ par adulte. Jusqu’à la fin août. (418 763-7494 • sepaq.com)

>> À 30 minutes de Québec, la Station touristique Duchesnay vous propose un parcours d’arbre en arbre nocturne tous les samedis de juillet et août. Et sorties à la pleine lune de juin à septembre. Deux départs : 20 h et 20 h 30. Équipement fourni (sauf lampe frontale – location à 5 $). Sur réservation uniquement. 12 ans et plus. Prévoir à peu près 33 $. (418.875-4522 • arbreduchesnay.com)

>> De juillet à début septembre, les amateurs de kayak se tourneront vers Mer et Monde Ecotours qui offre des activités guidées nocturnes sur le Saint-Laurent, à Bergeronnes. Sur les eaux calmes du fleuve, observation de la bioluminescence et écoute des mammifères marins à l’aide d’un hydrophone sont au programme. Départ à 21 h pour une excursion de 3 h. Compter environ 65 $. Jusqu’au début septembre. (1 866 637-6663 • mer-et-monde.qc.ca)

>> Enfin, le grand classique : le Tour la nuit, en juin, dans le cadre de la Feria du vélo de Montréal. Cet événement multicolore vous mènera sur 20 km éclairés où jouent les ombres nocturnes. Hautement festif. (routeverte.com/feria)

Hiver

>> Le parc national du Mont Tremblant propose deux randonnées nocturnes naturalistes en raquettes : la « Chouettes, raquettes et chocolat » sur les traces du hibou moyen-duc et une rando sur celles du loup. Au programme : feu de foyer, chocolat chaud et hydromel. Estimer —en fonction des parcours —deux à trois heures et demi. Approximativement entre 14 et 24 $, sans la location de raquettes (5 $). (819 688-2281 • sepaq.com)

>> Pour observer les étoiles, rendez vous au parc national du Mont-Mégantic pour une soirée ASTROlab précédée d’une randonnée de 4 km. Coûte environ 40 $ par adulte avec le souper ou 8 $ pour la raquette seulement. (819 888-2941 • sepaq.com)

>> Si c’est les mythes et légendes qui vous intéressent, rendez vous dans le Parc de la Gatineau pour une excursion en raquettes, guidée par un professionnel. Au programme

contes et histoires ainsi que chocolat et porto. (1 800 465-1867 • ncc-ccn.ca)

>> Pour les citadins, rien ne vaut une excursion guidée au Parc du Mont-Royal, raquettes et chocolat chaud fournis. Tous les samedis du 8 janvier au 12 mars, départ à 18 h 15 depuis la maison Smith pour une heure et demie de « Randonnée à la lueur de la ville ». Histoires, contes et panorama sur la ville. Soirées spéciales pour le jour de l’an et la Saint-Valentin, organisées par les Amis de la Montagne. Compter environ 15 $. 

>> D’autres parcs et stations de ski proposent des randonnées nocturnes similaires ou du ski de fond : le parc des Îles de Boucherville, le parc d’Oka, dumont Orford ou dela Rivière-du-Nord, et les stations de Mont-Blanc, mont Gleason et Mont-Saint-Anne.

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