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  • © Jean-Pierre Simard

Se la couler douce en canot sur la Dumoine

Après 400 ans de fréquentation humaine, la rivière Dumoine est toujours aussi sauvage. Compte rendu d’un gars qui s’y est laissé dériver avec ses potes. Une fois de plus.


On est à un kilomètre du campement. Ils traînent mon canot, me laissant tout seul. Je suis nul en natation, mais je suis capable de garder la tête hors de l’eau. C’est tout ce qui compte. Je me laisse dériver entre le rocher de l’aigle et notre site de camping du soir. Une petite heure dans la peau d’un billot…

Ce faisant, je réfléchis à cette rivière qui voit passer des humains depuis 400 ans sans rien leur concéder. C’est quand même un bel exploit! Il y a eu ici des coureurs des bois, des bûcherons, des raftmen… puis des canoteurs du dimanche comme nous, quelques siècles plus tard.

Pourquoi est-ce que je l’aime tant? Elle est sauvage, c’est sa première qualité. Elle est sportive, mais sans excès; rien pour les « R4eux » ici. Les sites de camping sont magnifiques. Elle coule dans une forêt mixte qu’on ne trouve que dans l’ouest du Québec; les grands pins qui sifflent dans le vent, la nuit, ça n’a pas de prix. Et elle a toute une histoire!

Son nom fait référence au frère de Pierre Le Moyne d’Iberville, Baptiste, qui croyait à tort que cet affluent de la Gatineau le conduirait à Trois-Rivières. Mes partenaires (Benoit Laporte, Gérald Tremblay, Jean-Pierre Simard et Pierre-Marc Ducasse) sont dans le même état d’esprit que moi. La vallée nous a accueillis pour une descente où on a beaucoup ri, comme d’habitude. Il nous reste deux jours avant la traversée de la rivière des Outaouais, notre point d’arrivée, une semaine plus tôt. Quand il vente, cette traversée est le seul vrai défi des 100 kilomètres de notre itinéraire, avec peut-être le portage de la grande chute où on en bave un peu. Mais les dieux sont avec nous! Pas de vent, peu de pluie, et aucune bibitte.

Rivière multiculturelle

Quand je suis venu ici pour la première fois, en 1978, on ne pouvait accéder au lac Dumoine qu’en hydravion; en 1989 et en 1995 aussi. Puis, les routes se sont ouvertes, permettant le transport terrestre. Une petite industrie de la navette s’est d’ailleurs développée au fil des ans, rendant le transport adéquat et abordable. Mais la bonne vieille Dumoine est restée elle-même, sans complexe et sans compromis.


© Jean-Pierre Simard

Wallace Schaber, de Chelsea, est probablement l’allochtone qui a passé le plus de temps dans cette vallée. Dès l’âge de 19 ans, il effectuait sa première descente dans le cadre d’une activité de camp de vacances. Il y est ensuite retourné à de multiples reprises avec des amis, puis encore à titre de guide pour des groupes. « J’ai dû la descendre environ 200 fois », me confie-t-il.

« Wally », comme on le surnomme, est un inconditionnel de la Dumoine. Il lui a consacré un livre, The Last of the Wild Rivers (non traduit en français). Le titre dit tout. Ce qu’il aime de la rivière? « Comme un bon vin, c’est son arôme. Ses qualités individuelles ne font pas d’elle une gagnante, mais tout ça mis ensemble, c’est là qu’elle les dépasse toutes. »

L’aventurier a pourtant des étalons de l’Amérique du Nord à sa fiche : la Nahanni, la Coppermine, la Mountain, la Hood… Néanmoins, la Dumoine demeure sa préférée.

1000 canoteurs à genoux

Au moins 1000 personnes par année descendent à genoux cette rivière – 40 % du Québec, autant de l’Ontario et 20 % des États-Unis – selon Wally. Si elle demeure en bon état, c’est qu’on s’en occupe sans relâche depuis au moins 25 ans. Wally insiste d’ailleurs pour que les amateurs de plein air participent, par des dons, au financement des Amis de la Dumoine.


© Jean-Pierre Simard

Son livre relate les passages des Premières Nations, mais aussi des bateaux à aubes qui fréquentaient la région au XIXe siècle. Il se termine sur les initiatives des randonneurs qui veulent faire de cette région un parc national, le premier qui intégrerait (enfin) la totalité d’un bassin versant. C’est en effet l’objectif de la Société pour la nature et les parcs du Canada, qui veut faire de la vallée de la Dumoine une aire protégée. Le gouvernement n’est pas insensible aux arguments des écolos, mais il a d’autres priorités…

Sur place, on trouve des balises le long du rivage qui nous indiquent que le réseau pédestre ralliera les rives de l’Outaouais aux Grandes Chutes de la Dumoine. Le sentier est avancé; éventuellement, on le parcourra sur quatre saisons. C’est un sentier patrimonial qu’on souhaite ouvrir dès l’automne 2022.

Je continue de dériver en pensant à cette rivière qui s’offre sans compter. La Dumoine doit être l’une des rivières sportives les plus fréquentées au Québec. Pourtant, elle est propre. Des écoliers construisent des bécosses (ici, on dit thunder boxes), que les Amis de la Dumoine viennent installer à l’automne. Ce sont des réussites esthétiques et écologiques remarquables, qu’on ne se prive pas d’utiliser.

Quand je finis par émerger sur mon rocher, le feu est allumé et les gars ont entamé la cuisson du souper.

Pas de stress.


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Les gars ont aimé!


© Jean-Pierre Simard

Un sondage auprès de notre petit groupe conclut à une note globale de 4,5/5 pour la Dumoine.

Pour Gérald, notre descente de 2021 est l’une des plus réussies de sa carrière de chef scout et de bourlingueur qui a sillonné la George au Nunavik et mené des expéditions au Népal. « Tout était parfait, même la température », dit cet avocat spécialisé en droit de la famille de Repentigny, nouvellement retraité. Il concède que le voyage était le premier en deux ans en vertu des mesures de confinement, ce qui a peut-être contribué à hausser sa note. 5/5

Jean-Pierre accorde à la Dumoine « 4,5/5 pour la beauté du paysage et 5/5 pour le côté sauvage et écologique ». Il précise que cette rivière est à la portée de « presque tout le monde ayant un minimum d’expérience en canot. Il y a quand même un défi dans certains rapides ».

Benoit donne à notre virée une note presque parfaite : 4,8/5. C’est la deuxième fois qu’il descendait la Dumoine, et « elle était encore plus belle que la première fois. Des tonnes de rapides, de beaux portages, des sites de camping uniques et un environnement sauvage malgré les nombreux canots que l’on croise en route ». Il planifie de la refaire en partant de la rivière Kipawa, un affluent de la rivière qui coule dans le lac Dumoine.

Pierre-Marc donne aussi un 4,5/5 et mentionne que « les sites de camping tout le long de la rivière sont exceptionnels et nombreux ». Il souligne le travail des Amis de la Dumoine, qui contribue à maintenir les sites de camping en bon état.


Sauf pour un absent (Étienne Denis), les cinq gars de la Dumoine 2021 étaient les mêmes qui ont descendu la rivière aux Feuilles en 2009. À l’époque, un article intitulé Expédition : six gars au Nunavik avait été publié dans Espaces. À (re)lire.


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Pratico-pratique


© Jean-Pierre Simard

Coulant sur 140 km en Abitibi-Témiscamingue et en Outaouais, la rivière Dumoine se prête à différents itinéraires. On peut trouver des relevés de la descente en communiquant avec Canot Kayak Québec (canot-kayak.qc.ca), sur le site cartespleinair.org ou en écrivant à dumoineriver@primus.ca. Wally Schaber a aussi produit une carte guide très détaillée en 2002 : Rivière Dumoine Guide Map (wallyschaber@primus.ca).

Le point de sortie recommandé, pour une journée comme pour 15 jours d’expédition, se situe au parc provincial Driftwood, en Ontario (autoroute 17 via Ottawa, ontarioparks.com). On peut laisser les véhicules à cet endroit sécuritaire pour le temps nécessaire (14 $ par jour).

Pour accéder à la rivière Dumoine, il faut traverser l’Outaouais sur environ 5 km. Une randonnée pédestre de 26 km (avec 12 sites de camping) sur la rive ouest jusqu’à la Grande Chute a été inaugurée en mai 2022 à partir de cet endroit. L’entrée est gratuite, mais on encourage les dons aux Amis de la Dumoine (dumoineriver@primus.ca). À partir du parc Driftwood, un guide peut vous y transporter en ponton (guide@dumoinevalley.ca).

Pour les expéditions de canot de trois types (long, 10-21 jours; moyen, 4-10 jours; court, 2-3 jours), il est fortement recommandé de faire affaire avec les entreprises locales qui offrent des services de navette. Le chemin est long et difficile pour les mécaniques et leurs conducteurs.

Le territoire de la Dumoine est public, mais relève de plusieurs administrations, dont la zec Dumoine (rive ouest, zecdumoine.reseauzec.com) et la zec Rapides-des-Joachims (rive est, zecrapidesdesjoachims.reseauzec.com). On doit d’ailleurs s’inscrire aux deux endroits et payer des frais de passage de 11 $ par véhicule. Les droits de pêche sont aussi exigés.

Pour réserver une navette à Rapides-des-Joachims et à Fort-Coulonge :

Source : paddle.ca

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