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  • © Gary Lawrence

Norquay : la via ferrata du ciel

À Banff, la station de ski Norquay est capable de donner du fil (de fer) à retordre, durant l’été. Mais on retient surtout de sa via ferrata qu’elle permet de vivre une expérience de montagne exaltante dans un cadre vertigineux, et ce, en toute sécurité.


— Comment j’vais faire? J’peux pas!
— Y a personne d’autre que toi qui peut t’aider ici, chérie…

Accroché à une échelle vissée dans le roc au-dessus du vide, j’essaie de me concentrer sur la magnificence du mont Cascade, droit devant, et sur ces deux petites taches de neige qui ont réussi à survivre à l’été, près du sommet de 2998 m. Coincé au beau milieu d’une section d’une heure sans possibilité de m’échapper, j’en suis à espérer que Shea, la dame tétanisée qui me précède, passe elle aussi à travers, sous les encouragements de son mari Adam.


© Banff Norquay

— Je l’sais qu’t’es capable! Respire à fond, concentre-toi sur ma voix et pose ton pied sur le prochain échelon!

Aurélie, notre guide québécoise chevronnée, a beau faire preuve de patience et encourager elle aussi la dame timorée, rien n’y fait. Seul Adam semble avoir de l’ascendant sur son Ève et sur la peur qui la ronge. Et comme moi, Aurélie ne peut qu’attendre. Mais elle en a vu d’autres.

Ce n’est pas la première fois qu’un « ferratiste » éprouve des difficultés à avancer sur l’exaltante « voie ferrée » qui strie les falaises trônant au sommet du mont Norquay, assure Aurélie. Et en général, à force de patience et d’encouragement, les timorés pleinairistes finissent toujours par débloquer.

— C’est ça, vas-y un pied après l’autre!


© Gary Lawrence

Au sommet de cette station de ski de Banff, en Alberta, Shea avait déjà manifesté ses craintes, une demi-heure plus tôt, lorsque nous nous sommes engagés dans une cheminée naturelle jalonnée de poignées, de câbles et d’échelons.

« Ne regarde pas en bas, vise le haut », lui avait alors dit Adam, avant que la corpulente dame finisse par se faufiler entre les parois, tant bien que mal. Elle avait même réussi, contre toute attente, à tendre un bras puis une jambe vers l’échelle où j’attendais toujours aussi inconfortablement, depuis 5 longues minutes maintenant, qu’elle franchisse un passage pour le moins délicat : un surplomb en courbe, où on ne voit pas au-delà du roc, où les échelons semblent éloignés les uns des autres et où la ligne de vie sur laquelle sont fixées les longes avait trop de mou pour qu’on s’y agrippe. Une combinaison parfaite d’éléments pour vous flanquer la frousse.

Heureusement, pendant que la pleinairiste apeurée reprend confiance en elle, je peux continuer à admirer le décor ex-tra-or-dinaire qui m’entoure, un bras enroulé à l’échelle inversée sur laquelle j’attends : au lieu de faire face à la falaise, celle-ci me force à monter devant le vide. Et c’est bien tant mieux, vu la teneur des lieux.


© Banff Norquay

Vers la gauche, c’est toute la superbe d’une vertigineuse vallée qui s’ouvre, tapissée de conifères et dominée par le mont Brewster; vers la droite, je peine à distinguer le pauvre mont Rundle, sommet emblématique de Banff, en train de suffoquer sous les épaisses fumées des incendies qui ont fait la manchette, encore une fois l’automne dernier. Je songe aussi à tous ces grandioses sommets emboucanés dont je ne puis embrasser la silhouette majestueuse : le mont Townsend, le Stenton Peak, le mont Girouard…

— Voilà, comme ça, encore quelques échelons et tu y es!

Encouragé par la progression de Shea, je gravis un à un mes propres échelons, ceux de cette échelle du ciel où je suis coincé, en espérant ne pas m’y retrouver aujourd’hui – au ciel, s’entend.

« Bien sûr que non, tu es doublement assuré! » me susurre une petite voix qui rassure, dans le for intérieur du fort inférieur de ma caboche, tandis que je tâte du doigt mes longes liées à la ligne de vie.

Finalement, après 10 minutes qui m’en ont paru 100, Shea réussit à enfouir ses peurs au tréfonds de sa psyché atterrée et se met à progresser rondement, sur le parcours Skyline que nous avons entrepris. Heureusement qu’elle ne s’est pas farci le parcours Mountaineer : la sortie dure 8 h, les filins d’acier s’étirent sur 3 km entre les sommets sud-est et nord-est du massif et il faut se farcir 500 m d’ascension verticale.

De notre côté, nous ne sommes pas en reste : après l’échelle du ciel arrivent une poutre aérienne sur laquelle on joue les équilibristes – tout en demeurant assurés, bien sûr –, mais aussi un pont de singe, une passerelle qui s’étire au-dessus du vide et beaucoup de marche à flanc de falaise, toujours avec comme toile de fond la magnificence de cette vallée grandiose qui nous suit sans relâche.


© Gary Lawrence

Une fois au sommet, il ne reste plus qu’à redescendre – à moins de s’offrir une dernière échelle, celle qui mène au point culminant du mont Norquay, en poursuivant avec le parcours Summiteer.

— T’es sûre que t’as pas envie d’essayer? On n’est qu’à un pont à suspension et une échelle d’un point de vue à 360 degrés sur la région! demande Adam à sa dulcinée.

Mais Shea n’a pas eu besoin de répondre. Le temps perdu à combattre ses peurs ne pouvait être récupéré en cette fin de journée, et nous avons dû nous « contenter » de compléter le parcours Skyline en redescendant par un sentier de crête, qui permet à tout le moins de prendre la pleine mesure du cadre environnant, sans avoir le nez collé à une paroi. 

En tout, nous aurons quand même eu droit à 5 heures d’extase visuelle, de relatif défi physique et de vraies poussées d’adrénaline. Et surtout, comme disait l’autre : « Qu’importe l’issue du chemin quand seul compte le chemin parcouru. »


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À savoir


© Gary Lawrence

– La via ferrata de Norquay est située à 5 minutes du centre-ville de Banff et elle est en activité de juin à octobre. Six parcours d’une durée de 2 à 8 heures sont proposés avec, dans chaque cas, des variations de niveau de difficulté. Il faut avoir de 12 à 14 ans minimum (selon le parcours) et peser entre 40 et 140 kg. On accède au point de départ (à 2000 m) après une courte montée en télésiège. Outre la via ferrata, il est possible de pratiquer sur place la randonnée pédestre et le scrambling.

– De Montréal, le meilleur moyen de gagner Banff est d’atterrir à Calgary, située à 90 minutes de route. Au plus fort de la saison, de mai à octobre, Air Transat offre jusqu’à 8 vols par semaine, sans escale depuis Montréal.

– À Banff, ce ne sont pas les options d’hébergement qui manquent. Deux bonnes adresses, testées et approuvées, qui ont 3 étoiles, mais qui paraissent en avoir 4 : Elk + Avenue, un établissement très central, avec lits douillets, stationnement souterrain et une très bonne table, le Farm & Fire; non loin de là et un chouia plus chic, l’hôtel Mount Royal est tout aussi bien situé et doté de lits ultraconfos, de bains à remous sur le toit ainsi que d’un resto et de deux lounges.


L’auteur était l’invité d’Air Transat et de Banff & Lake Louise Tourism.


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