Kayak hivernal: voguer parmi les glaces
Obscures et parsemées de glaces en mouvement, les eaux du Saint-Laurent sont rébarbatives en hiver. Pourtant, notre fleuve a tellement à offrir aux audacieux capables d’endurer un soupçon d’inconfort. Récemment installé dans la région de Charlevoix, mon nouveau domicile me permet d’observer les coutumes des amateurs de kayaks de mer du coin. L’automne venu, les embarcations colorées disparaissent graduellement en même temps que les degrés Celsius. Et les kayaks disparaissent complètement durant l’hiver. Mais je n’arrivais pas à comprendre pourquoi : si les Inuits sortent sur les glaces depuis des siècles, ça doit être toujours possible d’y arriver de nos jours? J’ai donc eu envie d’essayer une sortie et d’agrémenter le tout de camping hivernal.
Étant un quasi-néophyte du kayak de mer, il fallait néanmoins que j’y aille avec un mordu de ce sport :
- Salut Yan. Un weekend de kayak de mer sur le fleuve cet hiver, avec camping sur les berges, ça te dit?
- C’est sûr!
Évidemment que ça l’intéresse : Yan Blanchard a l’aventure dans le sang! Il me semblait bien que cela pouvait être simple de pagayer l’hiver sur le Saint-Laurent.
Alors que la planification se met tranquillement en branle, la réalité nous rejoint cependant rapidement. Après quelques appels pour dénicher une partie du matériel nécessaire, une chose semble moins certaine : le kayak de mer et le camping hivernal sont deux choses plus ou moins compatibles.
- Avez-vous déjà essayé d’enfiler un dry suit humide qui a passé la nuit à –20 degrés Celcius? me demande Sébastien Savard de la compagnie Katabatik.
- Heu, pas vraiment…
D’un coup, cette simple évocation me semble fort douloureuse. Exit le camping : on optera pour une simple sortie d’une journée. Une aventure moins exotique, mais qui sera assûrement une expérience plus agréable.
Le rendez-vous est donc fixé à la mi-mars, non loin du cap Tourmente, un peu passé l’île d’Orléans. Yan m’y rejoint avec deux acolytes : Stéphane Maltais et François Cantin. Il vente et la température avoisine les -10 degrés Celcius. La poudrerie nous cingle le visage et j’appréhende de me retrouver dans les eaux glacées du fleuve. Mes trois comparses vident tranquillement leur véhicule de tout le nécessaire pour une demi-journée sur le fleuve. Fusées de détresse, gilet de sauvetage, VHF, vêtements secs, etc. L’idée d’avoir abandonné le camping me réconforte tout d’un coup.
Premier défi : enfiler ma combinaison étanche. Quelle torture! J’en viens à suspecter ses inventeurs de fréquenter ces lieux où des adultes avertis pratiquent la flagellation consentante. « Il faut que le collet soit serré, sinon l’eau va rentrer par là si tu te retrouves à l’eau! », m’informe Stéphane. Écarlate par manque de sang au cerveau, j’acquiesce à cette logique implacable, et nous voilà en route vers les berges du fleuve. Les occupants de la demeure où nous nous sommes stationnés nous observent ainsi vêtus, tirant nos embarcations dans leur champ enneigé. Ils semblent se demander de quelle planète nous arrivons.
Après quelque 500 mètres de marche, je constate notre deuxième défi : mettre les kayaks à l’eau. Les berges sont recouvertes de hautes glaces brisées par les variations des marées et l’accès à l’eau est très hasardeux. Sans oublier que la glace, c’est glissant! Nous trouvons finalement un lieu propice. Avec l’aide de Yan, je m’installe fébrilement dans le haillon de mon kayak et j’y fixe ma jupette. Non loin de nous, Stéphane et François prennent aussi place dans leurs embarcations, mais directement sur la berge glacée. Après une légère poussée, ils entrent à l’eau élégamment telles des torpilles flottantes. La maîtrise dont ils font preuve est inversement proportionnelle à la mienne.
J’ose quelques coups de pagaie et me voilà qui file sur les eaux du fleuve. Surprise : il ne fait plus froid. Comme l’eau du fleuve demeure à quatre degrés Celcius (même en hiver), elle est chaude par rapport au climat ambiant. Nous filons allègrement entre les glaces et nous explorons les formes inusitées des icebergs. Nos embarcations et vêtements colorés se démarquent de l’austérité chromatique de l’hiver. Peu à peu,la peur fait place à la sérénité. Tranquillement, j’arrive à absorber le paysage qui m’entoure et à savourer l’aventure. Hormis les immenses bateaux qui sillonnent au large, nous sommes seuls sur le fleuve. Au gré du clapotis sur ma coque, je me rappelle que les Inuits ont d’abord inventé le kayak pour se déplacer entre les glaces du Grand Nord. Rien de plus normal que mon embarcation soit si confortable dans cet environnement initialement rébarbatif.
Après quelques heures à voguer en aval du fleuve, il est déjà temps de rentrer. Ça tombe bien, car la marée a tourné et rend notre retour plus facile. Retrouver notre point de départ est cependant plus laborieux : nos points de repère sont obstrués par les glaces amoncelées sur les berges. Nous en sommes quittes pour une marche légèrement plus longue jusqu’à notre point de départ. Le soir venu, devant un feu de foyer et un verre de vin rouge, Yan et moi serons décidément ravis d’avoir mis de côté notre idée de dormir sous la tente…
Le meilleur : Le paysage saisissant des glaces sur le fleuve.
Le pire :Une combinaison étanche trop petite!
Le plus bizarre : L’eau du fleuve plus chaude que l’air ambiant.
Encore plus Où :Charlevoix. Quand :De la fin février à la fin mars. Comment :Pour s’initier aux aléas du kayak hivernal, il est recommandé de s’adresser à des spécialistes de l’activité. Chinook Aventure chinookaventure.com Katabatik katabatik.com |
Je désire simplement apporter le correctif suivant:
pour de l'information sur nos sorties guidées de kayak hivernal, voici l'adresse du site internet de Katabatik - Aventure dans Charlevoix:
www.katabatik.ca
http://www.katabatik.ca/
Merci et au plaisir de pagayer bientôt en votre compagnie,
Sébastien Savard
Katabatik