Une « vraie » histoire de pêche
Passive, la pêche? « Pépère »? Méfiez-vous des apparences. Elle peut très bien mettre à l’épreuve votre endurance physique et accroître vos connaissances de la nature. Surtout si vous tentez de pêcher à la mouche.
Huntingdon, six heures du matin. Il pleut à verse, brouillant l’eau de la rivière Châteauguay et augmentant son niveau considérablement. « Il sera plus difficile d’attirer la truite dans ce débit d’eau et de trouver ses cachettes », m’avertit mon instructeur. Qu’à cela ne tienne, l’aventure nous appelle.
Après avoir enfilé notrepantalon de wading (sorte de salopette en matière imperméable) et monté notre canne,nous entrons dans la rivière. Point de départ : en dessous d’un pont couvert, dans le sens du courant, avec environ deux pieds et demi d’eau.
« Marcher dans la rivière, avec la pression de l’eau, ça fait travailler le système », me lance Dan Grimard. Petit, d’assez forte carrure et ne faisant pas ses 54 ans, il est l’un des trois propriétaires de la boutique Orvis Salmo Nature, le plus grand magasin dédié à la pêche à la mouche au Québec. Sa passion pour la pêche, c’est son père qui la lui a transmise. Il aimerait bien que plus de jeunes découvrent les vertus de la pêche à la mouche : « Je vois aujourd’hui de plus en plus de passionnés de canot-camping ou de randonnée qui désirent apprendre à pêcher pour agrémenter leurs activités », affirme-t‑il.
Pêcher à la mouche permet un contact privilégié avec la rivière et ce qui l’habite. Elle force l’observation active et nous place dans une attente fébrile. Et celui qui s’y adonne peut respecter certaines notions écologiques de base : « On ne devrait pas pêcher plus que ce qu’on voudra manger. Il y a toujours moyen de prendre une photo de notre prise miracle avant de la remettre à l’eau », dit Dan Grimard. Et il existe des règles à suivre pour remettre la truite à l’eau, comme de se mouiller les mains avant de la manipuler pour ne pas lui enlever le limon qui la protège.
Comme la pêche à la mouche nécessite la maîtrise d’une technique bien particulière, la boutique Orvis Salmo Nature offre des cours théoriques avec une approche personnalisée (seul ou en petit groupe) avec possibilité de sortie en rivière en fonction des disponibilités des instructeurs.
L’élégance du lancer
La pêche à la mouche est caractérisée par l’utilisation de mouches artificielles et par l’utilisation d’une soie (plutôt qu’un fil de nylon au lancer léger) dont le poids et l’épaisseur servent à propulser ou à « fouetter » la mouche. Le lancer, avec ses boucles formées dans les airs, est d’une grande élégance. Depuis ma première observation d’un pêcheur à la mouche en action dans une pourvoirie il y a trois ans, je m’étais promis de l’essayer un jour. Le moment est enfin arrivé.
Un peu coincé au début, je finis par assez bien maîtriser mon lancer. Quelle belle sensation de voir se déployer sa soie dans les airs! Ce n’est finalement pas si difficile. « Tu sais moucher! » me dit mon instructeur en guise d’encouragement. Il me reste tout de même beaucoup à apprendre, car il existe différents types de lancer : le lancer droit, le lancer roulé, le lancer à traction et le lancer à double traction (pour les grandes distances). Et une fois la ligne à l’eau, l’action doit être constante pour « taquiner » le poisson.
Nous avançons de manière progressive dans la rivière, ne pêchant pas plus de deux fois au même endroit. Sur une roche, nous trouvons deux carapaces de plécoptères ou « mouches de pierre » (stoneflies). Elles viennent d’éclore. C’est donc avec ce type de bestioles que s’alimentent à cette période les poissons de la rivière. Le truc est alors de pêcher avec un appât qui imitera leurs poids et leurs dimensions. Les pêcheurs confectionnent des mouches qui imitent plus ou moins fidèlement plusieurs insectes à chaque étape de leur développement pour avoir toujours le bon appât sous la main. Outre les plécoptères, dans le cas de la truite, on peut pêcher avec des éphémères, des trichoptères (caddisflies), des moucherons (midges) ou encore des terrestrielles (telles que les fourmis et les sauterelles). La quantité de mouches différentes pour la pêche donne le vertige au néophyte que je suis.
Lire la rivière
Le courant est fort dans la rivière Châteauguay et il faut parfois passer en dessous des branches des arbres. Durant notre escapade, mon instructeur me donne quelques trucs pour apprendre à lire la rivière. Il faut savoir où le poisson se cache. Dans le cas de la truite, elle sera souvent dissimulée dans un endroit couvert où elle ne sera pas à la vue des prédateurs et où elle pourra compter sur un courant qui va lui amener la nourriture sans qu’elle ait trop à se déplacer. « On va à la pêche à la mouche davantage avec un instinct de chasseur », affirme Dan Grimard.
Oh! Trois petits coups ressentis au bout de ma ligne. Zut! Je n’étais pas assez alerte. J’ai raté ma chance. Il faut savoir « ferrer » à temps.
Avec la pluie qui tombe, le niveau de l’eau continue d’augmenter depuis l’aube. Nous arrivons dans une section où le courant est plus intense. Je peine à garder l’équilibre : je n’ai pas l’habitude d’arpenter les rivières à pied. Mon instructeur m’agrippe par le bras et nous nous approchons du bord. « Je ne t’aurais pas laissé tomber », m’assure-t-il avec le sourire. Voilà un peu plus de trois heures que l’on pêche. Il suggère que l’on mette un terme à cette première expérience. Ce fut assez pour y prendre goût et me sentir plutôt à l’aise. Pas de truite dans le panier par contre. Mais, comme le dit Dan Grimard : « La pêche n’a plus autant avoir avec l’égo. C’est le plaisir qui prime! ». C’est d’accord. Ce sera toute la vérité, rien que la vérité. Pas d’« histoires » de pêche cette fois-ci.
Infos en vrac
- Il y aurait environ 800 000 pêcheurs récréatifs au Québec.
- On peut pêcher presque de tout à la mouche : notamment de la truite, de l’achigan, du saumon et du brochet.
- La saison de pêche commence au début mai et peut se poursuivre jusqu’en novembre.
- La pêche peut être particulièrement bonne en mai, alors que le poisson est affamé, et en septembre, alors qu’il cherche à faire des provisions pour l’hiver.
Ne partez pas sans eux :
- Canne à moucher
- Moulinet
- Mouches
- Soie
- Backing (réserve de fil) et bas de ligne
- Une pince coupe-fil
- Bâton de marche (pour vérifier la profondeur de l’eau)
- Casquette (pour se protéger les yeux et les oreilles d’un lancer raté)
- Veste multipoche (pour avoir tout à portée de la main)
- Un pantalon de wading ou des bottes hautes (cuissardes)
À quel prix?
- Un ensemble de départ à la boutique Salmo Nature coûte 250 $ pour la pêche à la truite et 380 $ pour la pêche au saumon Comprend : canne, moulinet, soie et backing (réserve de fil si toute la soie serait sortie du moulinet), avec une garantie de 25 ans.
- La veste multipoche se vend à partir de 70 $ et le pantalon à partir de 150 $.
Magasins spécialisés
Boutique Orvis Salmo Nature
110, rue McGill (coin Wellington)
Montréal (Québec)
514 871-8447
salmonature.com
B & L Sports Chasse et Pêche
3146, rue Sainte-Catherine Est
Montréal (Québec)
514 525-5354
blsports.net
Le Baron
8601 boul. Saint-Laurent
Montréal (Québec)
514 381-4231
lebaron.ca
Latulippe
637, rue Saint-Vallier Ouest
Québec (Québec)
418 529-0024
latulippe.com
Où s’initier à la pêche à la mouche?
- La boutique Orvis Salmo Nature (514 871-8447) salmonature.com
- Association de chasse et pêche Sainte-Marie (514 525-2851)
- L’école du Moucheur de la Diable, à Tremblant (819 425-4216) tremblantflyfishing.com
- Le casting club du Québec (418 688-9477) castingclubduquebec.com
Encore plus…: un livre
Nouveau sur les tablettes, ce livre présente plus de 30 sites, lacs et rivières où pratiquer. Une cinquantaine de mouches québécoises y sont aussi présentées.
La pêche à la mouche au Québec. 25 expériences inoubliables
par Jacques Cerf (FIDES)
226 pages • 39,95 $