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Mauritanie : trek dans le désert des déserts

Cœur brûlant du Sahara, l’Adrar mauritanien étale sa superbe en mers de dunes, en rudes plateaux rocheux, en oasis verdoyantes et en spectaculaires canyons rabotés par le temps. Incursion à pied dans ce fabuleux éden minéral chauffé à blanc. 

Premier contact

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Elles sont apparues au bout de la piste, blondes et veloutées, vastes et sublimes, couleur de paille. Après une journée de transfert en 4x4 ponctuée de visites dans la poussière et la caillasse, l’incroyable mer de dunes de l’immense erg Maaden nous a tous jetés à terre. Quintessence de ce «pays abandonné par le vivant», comme disait l’explorateur Théodore Monod, les sables dunaires serviraient de doux matelas sous les tentes de notre groupe de 15 randonneurs, le soir même.

Grains de beauté

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Fouler pieds nus du sable fin qui n’a pas eu le temps de surchauffer est un plaisir de tous les instants, un suave massage de réflexologie plantaire et… une excellente pédicure anti-peaux mortes. Comme l’omniprésence de la mer, celle des vagues de dunes met également le cerveau au neutre, rend méditatif et brouille agréablement les synapses – le tout dans un cadre propice à une apaisante désintox numérique.

Le vent qui fait grandir

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Comment naissent les dunes? « Elles commencent toutes ainsi, dit Zouber Mohamed, attachant guide francophone de Terres d’aventure : le vent pousse les grains de sable, et dès qu’ils rencontrent un obstacle, ils s’accumulent petit à petit pour former bientôt un croissant qui grandit, grandit, grandit… » Grâce à l’orientation des dunes et au sahéliyé, le vent constant du nord-est, le marcheur expérimenté peut même trouver sa voie dans le désert. 

À chaque jour, du nouveau

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« Tu verras, chaque jour est différent », m’avait assuré Zouber dès les premiers instants de notre périple. Il a tenu promesse: se sont succédé regs rocailleux, erg merveilleux, villages de pierre sèche, palpitantes palmeraies, plateaux de pierre noire comme du basalte, canyons vertigineux, océans dunaires et même, le dernier jour, une trempette dans les eaux d’une guelta, celle de l’oasis de Tirjit.

Une paix retrouvée

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Bordée par l’Atlantique, le Sahara occidental, l’Algérie, le Mali et le Sénégal, la Mauritanie forme une zone de transition entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Jusqu’en 2017, elle était considérée comme infréquentable en raison de la menace djihadiste, aujourd’hui refoulée loin des zones visitées par les étrangers. Désormais, de plus en plus de randonneurs débarquent à Atar, porte d’entrée du Sahara mauritanien, pour arpenter à pied ses splendides déserts.

Les vaisseaux du désert

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Tous les jours, la caravane de dromadaires nous précède avec tous les bagages et gagne le campement du midi pour que tout soit fin prêt à notre arrivée. Après le repas, la caravane se met de nouveau en branle pour nous accueillir le soir.

Autour de la khaïma

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Chaque matin donne lieu au même rituel: on se lève à 6 h en pleine noirceur, on boucle les sacs et on les remet aux chameliers, puis on démonte sa tente et la khaïma, grande tente commune. Après le petit déjeuner, chacun cherche son chèche et y enfouit sa tête pour se prémunir du pilon solaire, avant de lever le camp vers 7 h 15. Autour de 12 h 30-13 h, on casse la croûte et on se repose jusqu’à 15 h 30, pour ensuite repartir en vue d’arriver au campement avant la nuit. Distance totale parcourue dans la semaine: 78 km, de 5 à 6 h de marche par jour.

Les agapes des sables

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Pendant cinq jours, on progresse en totale autonomie, sans électricité pour recharger ses babioles, et l’eau est récoltée à même les puits croisés en chemin, avant d’être rendue potable à l’aide de pastilles de purification. Les repas sont plus qu’honnêtes, souvent délicieux : soupes de légumes, ragoût de dromadaire, lentilles, couscous, pâtes, fromages, omelettes, kesra (pain cuit sous la cendre), toujours des fruits et, bien sûr, du thé à la menthe sucré à la perfection. Le dernier soir, les cuistots nous ont apprêté une chèvre entière, cuite lentement sous le sable recouvert de braises. Un pur régal.

Faire le plein

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Les dromadaires peuvent boire 80 litres d’eau d’un trait, mais ils deviennent alors ankylosés et ne veulent plus bouger. Le chamelier se contente donc de « remplir le réservoir » d’une cinquantaine de litres, deux jours avant le trek. Par la suite, les braves camélidés mâchouillent des épines d’acacia, bourrées de vitamines et d’un peu d’eau, grâce à leur palais en béton armé. Tout le contraire de la plante des pieds, en somme. « Si tu marches sur ces épines, c’est très douloureux, plus difficile à enlever qu’une ampoule et ça peut s’infecter », prévient Zouber.

Une prière pour Chinguetti

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Septième ville sainte de l’islam sunnite, ancienne cité caravanière fondée en 1264, Chinguetti compte une douzaine de bibliothèques historiques, comme celle d’Al Ahmed Mahmoud, qui date de 1699. Avant d’être classée sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, cette bourgade poussiéreuse était largement ensablée. L’ensablement demeure une préoccupation dans tout le pays : partout, des pâturages et des dattiers disparaissent sous les vagues de sable, chaque année.

De colorées oasis

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Sur le plateau de Kediet Eïmer, une vaste étendue de grès noir totalement dénuée d’arbres, on peut se faire une certaine idée de ce que pourrait ressentir un poulet s’il était déposé vivant sur un barbecue. Au bout de ce décor apocalyptique, où l’effet d’albédo est presque nul, l’oasis-village de Maaden est aussi rafraîchissante que l’accueil de ses élèves, qui accourent dès que se pointe un groupe de randonneurs, ou que ces femmes drapées dans leurs éblouissantes livrées. 

Des peintures vieilles de 6000 ans

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Les vents qui soufflent presque constamment sur l’Adrar permettent de survivre aux températures ambiantes, qui frisent régulièrement les 45 degrés. La marche devient alors supportable, même sur les dunes. Le quatrième jour, nous avons cependant tous flirté avec l’insolation après 5 h de marche – dont 1 h 30 sous le zénith. En arrivant à Châtou es Seghir, tout le monde s’est écroulé… avant de repartir bientôt à l’assaut d’une colline au sommet de laquelle se trouvent des peintures rupestres vieilles de 6000 ans, sous un gros rocher.

Des torrents de sable

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C’est après avoir marché deux heures sur un vaste reg de caillasse rêche que nous sommes encore une fois tombés des nues, cette fois en arrivant à la vallée Blanche, alias l’oued El Abiod. S’il s’irrigue durant la saison des pluies, le reste de l’année, l’oued forme une spectaculaire rivière de dunes bien déshydratées.

Ces canyons monumentaux

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Le col de N’kref permet de descendre par un « sentier » ultrarocailleux jusqu’à l’oued El Tenzzent, sorte d’amalgame du Grand Canyon et du Monument Valley, où semblent déferler des torrents dunaires.

Adieu nomades

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Pays où le nomadisme est traditionnellement roi, la Mauritanie ne compterait plus que 3 % de véritables nomades en raison de la désertification et des sécheresses qui rendent ce mode de vie de plus en plus pénible et qui poussent les populations à la sédentarisation. 

Lueurs d'espoir

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Avec la renaissance récente du tourisme de randonnée, qui sait si les chameliers pourront davantage continuer à pérégriner et à dormir sous les cieux puissamment étoilés de Mauritanie, et les guides poursuivre leur quête d’absolu en errant de dune en dune, au pays du million de poètes…


À savoir

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Mauritania Airlines relie Paris à Atar, d’octobre à mai (4 h 30 de vol). Pour rejoindre Paris, Air France offre le plus grand nombre de liaisons hebdomadaires depuis Montréal, en plus de desservir Nouakchott à l’année, plusieurs fois par semaine. 

Le visa est obligatoire (130 $US), mais on peut se le procurer à l’arrivée à l’aéroport d’Atar ou de Nouakchott.  

Spécialiste mondial du voyage à pied depuis plus de 40 ans, Terres d’aventure dispose de deux bureaux québécois, à Montréal et à Québec. L’agence propose six circuits accompagnés en français en Mauritanie, dont cinq randonnées chamelières de 8 ou 15 jours. L’organisation est réglée au quart de tour, l’éthique durable est omniprésente et… les souvenirs rapportés sont impérissables.  

En 2018, le Petit Futé a réédité son guide sur la Mauritanie

L’auteur était l’invité de Terres d’aventure. 

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