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  • Crédit : Tourisme Québec, Heiko Wittenborn

Attaqué par un ours noir : survie 101

Lors de vos randonnées, si un ours noir surgissait, sauriez-vous comment réagir pour éviter le pire?

Le 30 juin 2008, Cécile Verreault-Lavoie pêchait tranquillement près de son chalet, au lac Théo, à près de deux heures de route au nord du dernier village habité en Abitibi-Témiscamingue. Âgée de 70 ans, la dame habituée à la forêt depuis sa tendre enfance s’était rendue sur le quai adjacent à son chalet après avoir soupé avec son mari. Il était alors près de 19 h. Un quart d’heure plus tard, une vision d’horreur attend Alexandre Lavoie : il trouve sa compagne ensanglantée par terre, le cou brisé et les vêtements en lambeaux. La femme avec qui il vivait depuis 50 ans venait d’être tuée par un ours noir.

Atterré par le drame, il parcourt sans tarder le chemin du retour. En bateau, puis par automobile, il rejoint sa résidence située à 30 kilomètres au nord de La Sarre. De là, il téléphone les secours. Effondré et peu enclin à retourner sur les lieux, il confie la tâche de montrer le chemin aux autorités à son fils Éric. L’obscurité complique toutefois les recherches. La dépouille de Cécile Verreault-Lavoie aura été traînée à plus de 20 mètres de l’endroit où elle a été attaquée.

Selon le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), il y a eu cinq attaques mortelles de ce genre causées par des ours noirs au Québec dans les 30 dernières années. « Pour connaître la cause exacte d’une attaque, il faudrait avoir la possibilité de faire une analyse complète de la victime et de la carcasse de l’ours », estime Hélène Jolicoeur, spécialiste de l’ours noir au MRNF. Dans la majorité des cas, il manque trop de pièces au casse-tête pour bien cerner l’origine de l’attaque. « Il faudrait une procédure standardisée émise à l’intention des corps policiers, des agents de protection de la faune, du bureau du coroner et des laboratoires de pathologie animale pour que les informations essentielles à la reconstitution de l’accident puissent se faire adéquatement », poursuit la spécialiste.

Actuellement, le portrait des attaques des ours noirs au Québec est difficile à établir, puisqu’il n’y en a pas assez pour bien comprendre leurs causes. « En plus, les mortalités surviennent souvent dans des conditions difficiles, notamment dans des secteurs éloignés », dit Hélène Jolicoeur.             

La biologiste en connaît un bout sur les pièces manquantes. C’est elle qui a examiné le crâne de l’ours qui a tué Denis Chrétien en avril 2003 à Val-d’Or. « La dentition de l’animal était très mauvaise, se rappelle-t-elle. Ses dents étaient usées. L’analyse n’a pu être complète puisque le reste de la carcasse avait été brûlé ». Dans le cas de Cécile Verreault-Lavoie, un ours a bien été capturé dans la région où est survenu le drame, mais impossible de confirmer s’il était bien coupable : « Personne n’a mesuré les marques de croc sur la victime : on ne pouvait donc faire aucun lien. »

En juillet 2000, la mort de Mary Beth-Miller avait créé toute une commotion au Québec. L’athlète de 24 ans faisait du jogging sur un sentier d’entraînement de la base militaire de Valcartier (près de Québec) lorsqu’un ours l’a attaquée par derrière. Trois jours après sa mort, une ourse fut capturée dans la région. À la demande du coroner Yvan Turmel, la police réalisa un test d’ADN pour vérifier si la bête euthanasiée (une femelle) était bien celle qui a tué la biathlète. Le résultat : l’ourse tuée n’était pas la coupable. Un constat qui appuie la théorie que les attaques contre les humains sont plus probablement causées par des ours mâles.

À défaut d’avoir les ressources d’une équipe de la populaire émission américaine CSI pour enquêter et tirer des conclusions, on ne peut qu’émettre des hypothèses : « Même si certains ours noirs ont un comportement de prédateur, il se pourrait qu’une personne qui coure ou qui fasse du vélo aux abords d’une forêt envoie un message mal perçu par la bête, qui provoquerait un réflexe de prédation naturelle », avance Hélène Jolicoeur.

Selon la biologiste, il faut aussi tenir compte du tempérament de chaque ours. Chaque animal aurait non seulement son caractère, mais aussi une expérience de vie : « Avec une longévité pouvant dépasser le cap de 30 ans, l’ours peut apprendre à craindre l’humain ou à s’en rapprocher s’il l’associe à une source de nourriture. » 

Dans son livre Bear attacks: their causes and avoidance, Stephen Herrero  (un professeur de biologie et de science environnementale à l’Université de Calgary) a recensé plus de 400 interactions humaines avec des ours en Amérique du Nord sur une période de 17 ans, dont plus de 350 avec agressions et blessures. « Les attaques les plus sérieuses (ou fatales) sont arrivées à une personne seule en forêt ou encore à deux individus », remarque-t-il. Elles s’expliqueraient par deux principaux comportements : se défendre ou prendre l’être humain comme une proie.

Crédit: Tourisme Québec, Marcel Gignac

La défense de son espace vital s’avère aussi l’une des causes majeures du comportement des ours. La propension aux attaques meurtrières est aussi accrue en saison de reproduction ou lorsqu’une source de nourriture doit être protégée. Sans oublier une mère qui veut défendre la sécurité de ses petits. Chaque animal possède son propre périmètre de sécurité. Un ours surpris de trop près au détour d’un sentier peut se sentir menacé par cette simple présence soudaine. En général, il a tendance à fuir. En général…

Selon Stephen Herrero, il faut distinguer clairement les ours noirs habitués à la présence humaine et ceux fidèles à se nourrir de déchets ou autre source d’alimentation d’origine humaine. Ces derniers craignent beaucoup moins l’homme et l’associent à de la nourriture. Ils peuvent donc s’avérer plus menaçants.

Les autorités et les professionnels de la faune refusent toutefois d’être alarmistes puisque les cas de mortalité sont peu nombreux. Pourtant, en mai 2001 (soit le printemps suivant la mort de Mary Beth-Miller), la Société de la faune et des parcs du Québec (maintenant le MRNF) lançait une campagne de prévention pour informer le public des mesures à prendre. Si l’ours représente aucune menace, pourquoi toutes ces recommandations? C’est qu’en plus des mortalités, il y a eu de nombreuses attaques avec blessures, sans parler des ours en cavale et des autres situations terrifiantes sans fin tragique (ours qui rôde autour de la tente, intrusion dans un chalet, observation d’une bête qui s’approche ou pire, qui suit des randonneurs).

Pourtant, aucune raison de s’inquiéter : « La forêt est davantage fréquentée, ce qui augmente les chances de croiser un ours, et il est vrai que les attaques sont plus médiatisées qu’auparavant », dit Hélène Jolicoeur. « Heureusement, les attaques d’ours restent rares, mais elles peuvent quand même causer des blessures et la mort », rappelle Stephen Herrero. Pour être en sécurité, mieux vaut comprendre le comportement de cet animal.

Trucs pour éviter le pire

• Éliminez toute source de nourriture qui pourrait attirer les ours affamés. Il est important de placer les aliments (ainsi que les déodorants, la pâte à dent et autres odeurs fortes… dont les ordures!) hors de la portée des ours dans un sac ou un contenant hermétique suspendu. Quand vous installez votre tente, assurez-vous qu’il n’y a pas un amoncellement de déchets laissés par d’autres utilisateurs à proximité.
• Marchez en parlant ou en faisant le plus de bruit possible.
• Ne vous approchez pas d’une ourse qui est avec ses petits. Restez calme et éloignez-vous lentement.
• Il ne faut jamais courir!
• En dernier recours, vous pouvez utiliser un aérosol rempli de capsaïcine (un produit extrait du poivre de Cayenne). Pour réagir rapidement en cas d’urgence, on peut porter le contenant à la taille dans un étui spécial. 

Crédit: Tourisme Québec, Yve Marcoux

Faire le mort?

Stephen Herrero identifie deux types d’attaque : celle défensive et celle prédatrice. « Dans le cas d’une attaque prédatrice, il faut affronter l’ours en utilisant n’importe quelle arme à notre portée (rame, bâton ou autre) ». Les blessures les plus sérieuses, allant jusqu’à la mort, résultent de ce genre d’attaque. « Dans le cas d’une attaque défensive, faire le mort est la meilleure chance de réduire nos blessures ». Encore faut-il être capable de discerner la différence entre les deux types d’attaque!

En août 2003, Maurice Blais (un résident de Saint-Rosaire, près de Victoriaville) a suivi son instinct en faisant le mort lors d’une attaque d’ours noir. Alors qu’il se promenait en forêt, il entend du bruit. Croyant qu’il s’agissait d’un orignal, il se cache pour l’observer. Mais surprise : un ours vient droit sur lui. Il grimpe rapidement à un arbre, mais l’ours le rattrape et le tire vers le sol. Une fois étendu par terre, il décide de faire le mort. L’ours tourne autour de lui un bon moment, sent son cou puis s’en va. L’homme s’en est tiré avec quelques blessures aux pieds (causées par les griffes de l’animal) et une bonne frousse...

Y a-t-il trop d’ours?

Au MRNF, on estime que les ours noirs sont plus nombreux qu’il y a 100 ans, en raison des coupes forestières qui favorisent la pousse de petits fruits comme les bleuets lors de la régénération. Au cours des dernières années, la population d’ours est passée à 70 000 individus, mais cette augmentation se manifeste surtout dans les régions nordiques. Selon le MRNF, il n’y aurait pas de surpopulation, même dans certains secteurs où les bêtes sont observées plus fréquemment. Les chasseurs et les trappeurs exercent déjà un certain contrôle sur ce nombre en tuant près de 5 000 ours par année.

Pour connaître encore plus de trucs pour se prémunir d'une attaque d'ours, consultez notre article Guide de survie : que faire face à un ours?.

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