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Pascal Girard, le Prof dans le bois, n’est plus

Aventurier, athlète, communicateur, vidéaste, journaliste, releveur de défis, attrapeur sans peurs de rêves et enseignant ultra-apprécié, notre collaborateur Pascal Girard est décédé le 28 juillet d’une courte mais fulgurante maladie. Notre rédac' chef lui rend ici un dernier hommage.


J’ai connu Pascal dans des circonstances pour le moins favorables : il avait gagné le concours « Devenez reporter » du magazine Géo Plein Air, où je sévissais alors, et j’ai eu la chance d’être celui qui l’accompagnerait pour lui inculquer quelques rudiments de journalisme en plein air, sur les pentes de Revelstoke, en Colombie-Britannique.

Ce qui nous attendait : des heures de glisse extatique, les jambes en feu et les quadriceps gonflés à bloc parce que nous ne pouvions tout simplement pas nous arrêter, moi en skis, lui en planche. Trop excités à l’idée de vouloir tout dévaler, trop grisés par le décor grandiose, trop exaltés par l’ensemble du tout : nous ne portions plus à terre et je découvrais un assoiffé de vitesse, de hauteurs et de liberté comme je le suis.

À Revelstoke. Photo: Gary Lawrence.

J’étais censé être pour lui une sorte de guide, mais au fond, qu’avais-je à lui enseigner? Il maîtrisait déjà l’art de raconter, que ce soit à l’écrit ou à l’écran, comme il le prouverait bientôt dans ces capsules mi-loufoques, mi-sérieuses, mais toujours instructives créées par son énergique et attachant personnage, le Prof dans le bois.

En visionnant ces petits clips théâtraux, on prend déjà un peu plus la mesure de cet homme jusqu’au-boutiste qui n’hésitait pas à se mettre en danger pour étayer son propos. Dans sa première vidéo virale, il avait volontairement chuté à travers la glace d’une rivière pour mieux nous montrer comment s’en extirper… alors qu’il ne savait pas nager.

Course à obstacles Run for Your Lives.

Dans un autre de ses premiers clips, il avait traversé un lave-auto, couché sur le toit d’une voiture, avant de se faire arroser par le jet puissant d’un boyau de pompier. Tout ça pour comparer l’efficacité de membranes imper-respirantes, une idée hyper-inspirante dévoilant le grain de folie, le sens de la mise en scène et l’envie de repousser ses limites de ce gars exceptionnel. Je dirais même plus : un estifi de bon Jack – ou plutôt de bon Chuck, comme dans Chuck Norris, l’acteur invincible, sans peur et sans pétoche, à qui nous aimions le comparer à la blague. Quoique la comparaison était plus proche de la réalité, tout bien réfléchi.

Comme Chuck le Surhomme à la virilité trempée dans l’acier, rien ne semblait ébranler Pascal, rien ne paraissait lui donner froid dans le dos, pas même la Mort, elle qui s’est trompée de proie en venant le chercher bien trop tôt, ce 28 juillet, alors qu’il n’avait pas 50 étés au compteur. Contrairement à Chuck, qui aurait sans doute asséné à la Faucheuse une série de coups fulgurants en pleine poire, Pascal a su accepter la fatalité avec sagesse, grâce à tout l’amour qui l’enrubannait, mais aussi parce qu’il était fort croyant, un homme de foi qui n’en était pas à ses premiers défis face aux affres de la souffrance.

Avec Dominic "Doum" Guérin, son partenaire d'aventures.

Il y a plusieurs années, Pascal avait mystérieusement – ou miraculeusement, c’est selon – surmonté l’épreuve d’une grave maladie rénale : après cinq ans de douleurs et de torpeur, alors qu’il s’apprêtait à passer sous le bistouri, les médecins ont constaté sa totale rémission. Dès lors, Pascal mordrait plus que jamais à pleines dents dans la vie, et il en profiterait à fond en se donnant toujours plus à fond, justement : raids, courses et triathlons extrêmes, mise à l’épreuve de techniques de survie, descentes délirantes de rivières en canot d’eau vive ou en rafting, et j’en passe. Comme s’il voulait, chaque fois, remercier la maladie de l’avoir épargné et, de ce fait, l’éloigner à jamais en lui montrant tout ce qu’il avait dans le coffre, tout ce dont il était capable.

Honnête et loyal, courageux et intègre, téméraire tout en étant mesuré, doux et tendre, mais aussi drôle et pince-sans-rire, Pascal portait en lui ce ferment de vigueur et de détermination qui pousse l’humain à toujours aller plus loin, la rage de vivre et l’étoffe des grands aventuriers. C’était un homme humble et bon, bon comme du bon pain, un père et un mari modèle, aimant (et aimé par) trois femmes, son épouse et ses deux grandes filles, qu’il entraînait avec lui quand il le pouvait, comme ce fut le cas lors de ces 25 jours mémorables de sa descente du fleuve Colorado, il y a quelques années.

Source d’espoir et d’encouragement pour les uns – il faut lire les déferlements de commentaires touchants livrés par ses élèves sur les réseaux –, il était (et est toujours) également une source d’inspiration et d’admiration pour bien des membres de la communauté québécoise du plein air, moi le premier.

J’ai rencontré Pascal parce que je devais prétendument lui servir de guide sur les chemins sinueux de la rédaction journalistique; finalement, c’est lui qui est devenu le mien, spirituellement parlant. Il le restera toujours quand j’aurai la trouille, un besoin de motivation extrême ou envie d’un remontant lors d’une période creuse : si lui ne s’est jamais plaint, même au plus fort des attaques virulentes du satané crabe qui lui a tailladé l’intérieur, comment le pourrais-je?

Salut à toi, mon pote, on se reverra un jour sur des rivières moins turbides que celles qui coulent sur Terre, on fera du hors-piste ensemble sur les pentes édéniques de l’au-delà et on enfilera les verres de génépi en souvenir de nos voyages de ski.

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