Rechercher dans le site espaces.ca
  • Crédit : Alexandra Côté-Durer

Une bouffée d’air – et de poils – comme thérapie

Pour améliorer les conditions de jeunes adultes et pré-adultes vulnérables intellectuellement ou physiquement, un projet-pilote a fait appel à la zoothérapie, l’été dernier. Pour la majorité de ses participants, celui-ci a donné lieu à une première vraie sortie de plein air – et certainement pas la dernière.

« Trouvez-vous un ange-gardien, choisissez votre chien! » lance avant le départ la travailleuse sociale Laura Ducharme. Sous le ciel bleu de juin, une longue caravane composée de quatre chiens, d’une dizaine d’accompagnateurs et surtout de sept jeunes adultes se forme au pied du parc d’environnement naturel de Sutton.

La plupart des participants, âgés de 15 à 35 ans, souffrent d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) combiné à un trouble du déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDA-TDAH). « Avec nous, il y a quatre chiens complètement différents, de races différentes, de personnalités différentes », précise la zoothérapeute Frédérique Hébert, en expliquant que les participants s’échangeront les chiens – prédisposés à aimer les gens – au cours de la randonnée.

Crédit : Alexandra Côté-Durer

Tous prennent part à la sortie finale du projet-pilote du programme Maikana, qui signifie « loup des forêts » en innu, et qui combine l’intervention par le plein air et celle assistée par l’animal. Son but : améliorer les conditions de vie de personnes vivant en contexte de vulnérabilité – troubles d’adaptation, problèmes de santé mentale, déficiences, etc. –, expliquent Laura et Frédérique, les cofondatrices.

Pour ce faire, elles organisent des sorties en forêt en faisant appel à la gent canine. Les chiens, en plus de diminuer l’anxiété, facilitent l’entrée en contact avec les autres, explique Laura. « Et socialiser, être en groupe, comprendre l’autre, ce sont des défis pour ces jeunes », ajoute Frédérique.


À lire aussi : L'aventure, outil thérapeutique


« C’est l’fun les chiens parce que ça te donne tout le temps un sujet de conversation », raconte Michelle Picard, qui a choisi ce jour-là Ficelle, une femelle shetland de deux ans, pour faire l’ascension menant au lac Spruce. « Ça rapproche les gens et ça met tout le monde à l’aise », confirme Elsa Potvin, qui fait la montée aux côtés de Jasper, un bouledogue de 10 ans.

Une rando de 4 km… en 6 h

Crédit : Alexandra Côté-Durer

« À droite ! » lance l’une des trois stagiaires en zoothérapie pour avertir le groupe de laisser passer les autres randonneurs. Pas facile de dépasser la vingtaine d’individus sur les sentiers étriqués du parc. D’autant plus que Jasper, Scott, Ficelle et Ozzie, les quadrupèdes du groupe, aimeraient plutôt accélérer la cadence.

Finalement, il aura fallu près de 6 h au groupe pour parcourir aller-retour les 4 km de randonnée et leur 220 m de dénivelé. « C’est plus l’fun de descendre que de monter ! », lance Michelle en riant. « Ça m’a surprise d’aimer ça tant que ça, le plein air! Je pense même que j’ai préféré ça aux chiens! », s’amuse la participante de 22 ans.

Pourtant, elle partait de loin. Car pour elle comme pour les autres participants, une telle sortie demande beaucoup d’organisation et bien des défis à gérer : choisir un trajet, acheter du matériel, préparer un casse-croûte… « Je suis passée proche de ne pas aller à la sortie préparatoire du mont Saint-Grégoire parce que j’étais très nerveuse », se rappelle Michelle, qui était accompagnée de sa mère durant les premières séances.

Crédit : Laura Ducharme

« Au début, Michelle ne parlait pas. Elle était complètement repliée sur elle-même. […] Ça a pris plusieurs séances avant qu’on ait accès à une Michelle épanouie, qui s’ouvre, qui est autonome », explique Laura, qui ne s’attendait pas à cette progression. « C’est ça le plein air! Je n’aurais pas eu droit aussi rapidement à ce résultat si j’étais restée dans mon petit bureau », affirme celle-ci.

« Ce que l’on vit aujourd’hui, personne ici ne l’a vécu auparavant : sortir en groupe, tripper en plein air, c’est du jamais vu pour eux », s’enthousiasme Laura. « C’est l’aboutissement d’une série de sept ateliers pendant lesquels on a travaillé tant au niveau physique que psychologique », ajoute la trentenaire, son ukulélé sur le dos.

« J’ai envie de dire que c’est unique au Québec. C’est vraiment innovateur comme approche », précise Laura, qui a remporté en 2018 le premier prix du Sommet génération plein air des 18-35 ans de Mountain Equipement Co-op.

Pour Laura, il est clair que la nature fait du bien à ses participants, tant au niveau physique que psychologique. Elle cite notamment les recherches de 1984 du Dr. Roger Ulrich, qui ont démontré que les patients bénéficiant d’une vue sur la nature séjournaient moins longtemps à l'hôpital. « Alors imagine quand t’es dans la nature! », s’exclame-t-elle.

Passer au moins deux heures par semaine dans la nature serait d’ailleurs bénéfique pour la santé et le bien-être des humains, selon une autre étude menée récemment auprès de près de 20 000 personnes en Angleterre, et parue en juin 2019 dans Scientific Reports.

Crédit : Laura Ducharme

À la suite du succès de leur projet-pilote, Laura et Frédérique ont décidé de transformer Maikana en un organisme à but non lucratif pour en faire profiter d’autres jeunes. Alors ouvrez l’œil sur les sentiers, vous croiserez peut-être bientôt une longue caravane d’humains accompagnés de leurs chiens!

Pour aller plus loin
Site web: maikana.org
Facebook: facebook.com/maikanazoot
Info : lauraducharme.pleinair@gmail.com, 438 889-0550

Commentaires (0)
Participer à la discussion!