La fois où… j’ai traversé la baie de Gaspé avec 200 enfants et Laurent Duvernay-Tardif
Vendredi 1er mars 2019
Alors qu’un soleil radieux illumine Gaspé d’une lumière éblouissante, un géant à la tuque rouge-orange descend la côte Adams. Derrière lui, telle une image sortie d’un conte de Grimm, une procession d’enfants en habits multicolores suit le « chef », qui veille à la sécurité de ses poussins avec la vigilance d’une mère de famille nombreuse.
Leur défi du jour? Traverser les 5km de la baie de Gaspé à pied, jusqu’au site Berceau du Canada, lieu historique où Jacques Cartier a planté sa croix quand il est arrivé en Amérique. Au même moment, partant d’un autre point de la baie, les skieurs et raquetteurs de la Traversée de la Gaspésie (TDLG) terminent leur périple de six jours à travers le pays, des banquises de Matane jusqu’à Gaspé, en passant par les cimes du mont Vallières-de-Saint-Réal, dans les Chic-Chocs.
Tout ce beau monde s’est donné rendez-vous à Berceau, où l’organisation de la TDLG a prévu de refaire les forces des sportifs – petits et grands – en répandant des litres d’or ambré chaud sur la neige, délice aussi connu sous le nom de «tire d’érable».
Ce jour-là, plus de deux cents enfants de trois écoles différentes ont reçu la visite de Laurent Duvernay-Tardif, joueur de ligne offensive des Chiefs de Kansas City, en tournée à travers le Québec avec sa fondation, qui vise la conciliation du sport, des arts et des études en offrant des activités «clé en main» dans les écoles. Une conciliation que connaît bien Laurent Duvernay-Tardif, puisqu’il réussit à conjuguer une carrière de joueur de football au sein de la NFL, des études de médecine et le rôle d’ambassadeur de la Foire d’art contemporain Papier.
© ricochetdesign.qc.ca
À voir le niveau d’énergie des petits, qui piaffent d’impatience à la ligne de départ – un immense banc de neige qui surplombe la baie –, on ne dirait pas que le géant à la tuque rouge-orange les a fait bouger toute la matinée. Ça se taquine, ça se chamaille, ça rigole et ça interpelle le chef de mission à grands coups de «Laurent, Laurent!». Devant les bourrasques cinglantes, celui-ci improvise des séances d’aérobie façon Jane Fonda pour réchauffer ses ouailles.
- Les enfants, les enfants, on n’est pas faits en quoi?
- On n’est pas faits en chocolat! hurlent les petits en chœur, crinqués.
- Et si Jacques Cartier a traversé l’océan au complet pour arriver à Berceau du Canada, qui c’est qui est capable de traverser la baie?
- NOOOOUUUUUUUUUS!
«On a beaucoup parlé de persévérance, rigole Marie-Philippe Lucas, prof de français, langue seconde, à l’école Gaspé Elementary School. Ils sont motivés!»
Elle me confie qu’ils ont passé un avant-midi merveilleux; les enfants étaient ravis de faire cette activité commune avec des élèves d’autres écoles, ils ont découvert de nouvelles activités pour bouger, comme le «tchoukball» (croisement entre volleyball et handball), et ils ont été particulièrement sensibles à l’implication évidente de Laurent, qui était là pour eux, et qui a pris soin d’inclure tous les élèves, peu importe leur niveau d’aptitude physique. Ce matin-là, il n’y a pas eu de «moins bons», juste des enfants motivés par le charisme d’un géant à l’image de Shrek «avec une tuque rouge-orange».
© ricochetdesign.qc.ca
Enfin, Laurent donne le signal du départ, et les enfants s’élancent, se donnant à fond pour suivre les enjambées de celui qui les dépasse de huit têtes (1m98, pour être précis).
La marée qui monte fait «erssoudr’» l’eau par-dessus l’épaisse couche de glace, mouille la neige et donne l’impression d’avancer dans des sables mouvants. Chaque pas est ardu et oblige à lever haut les pieds si on veut avancer. Si les plus légers s’enfoncent «seulement» jusqu’aux genoux, les plus lourds, eux, en ont souvent jusqu’à la mi-cuisse.
Et Laurent Duvernay-Tardif pèse 320livres…
Ce qui ne l’empêche pas de courir partout, retenant les petites bombes d’aller trop vite et motivant les plus lents pour qu’ils persévèrent, gardant la cohésion de son troupeau afin que tout le monde découvre la joie de réussir le défi «ensemble».
«Ma job, ce jour-là, c’était d’être leur chien de berger, me confiera-t-il plus tard, en rigolant. Et de conduire tout le monde à bon port, en toute sécurité.»
Mission accomplie, chef.
Laurent Duvernay-Tardif en Gaspésie
De l’enfance à aujourd’hui
«Depuis que je suis tout petit, je fais dix heures de route en voiture pour venir en Gaspésie. J’ai appris à naviguer dans la baie de Gaspé, j’ai été moniteur de voile sur ce plan d’eau magnifique, je connais la baie par cœur. Quand Claudine (Roy, la fondatrice et présidente des Traversées de la Gaspésie et amie de la famille Duvernay-Tardif) m’a invité à terminer le périple des participants de la TDLG avec les enfants de la Gaspésie, j’ai dit oui. De toute façon, c’est difficile de dire non à Claudine! Je suis content d’être venu. C’était un beau moment pour moi, de pouvoir transmettre ma passion aux enfants et de retrouver une région que j’adore.»
Des images mémorables
«Quand on est arrivés en procession de l’autre côté du pont, juste au moment d’escalader les bancs de neige pour entamer la traversée de la baie de Gaspé, le soleil brillait, mais il y avait aussi des bourrasques qui soulevaient la neige et nous glaçaient le visage. À travers une nuée de tuques multicolores, j’ai vu les yeux brillants des enfants qui avaient hâte qu’on parte, et qui comptaient sur moi pour les mener de l’autre bord. Je me suis adressé à eux comme si on s’apprêtait à jouer une partie de football et, on l’a fait, tout le monde ensemble, malgré la difficulté et les pieds mouillés.»
La fierté du jour
«Après 5km, les enfants sont arrivés au site de Berceau du Canada, où nous ont rejoints les skieurs et les raquetteurs de la Traversée de la Gaspésie. Les enfants étaient épuisés, on n’avait plus de jus personne, mais on était fiers, on l’avait fait! Les enfants m’ont plaqué au sol, on s’est chamaillés et, après, on est allés boire du chocolat chaud avec des guimauves. Ça ne pouvait pas mieux finir!»
La Fondation Laurent Duvernay-Tardif
Elle vise à promouvoir l’activité physique et les saines habitudes de vie chez les jeunes. Son but: valoriser le modèle de «l’étudiant actif» en encourageant l’importance de l’équilibre entre les études et le sport.