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  • Crédit : Mylène Paquette

Chronique de Mylène Paquette: le gout du risque

Tous les jours, nous répétons des gestes simples, voire anodins, qui comportent une certaine part de danger. Mais est-ce que l’on reconnaît les risques présents dans notre environnement immédiat ? Et combien d’entre nous prennent des risques sans même le savoir ?

Pour certains, le simple fait de franchir une petite étendue d’eau peut s’avérer dangereux. Pour une fille aussi prudente que moi, traverser un boulevard à pied sans le faire à partir de la prochaine intersection est un risque trop important, alors évitable à tout prix.

Mais qu’est-ce que le risque?

Voilà la question que je me pose, alors que je déambule sur un trottoir de Montréal. Absorbée par mes réflexions, je consulte mon téléphone intelligent tout en foulant la chaussée. Question de plonger tête première dans le vif du sujet, j’interroge Siri à propos de sa définition. La voix informatisée me répond qu’il s’agit d’une « situation impliquant une exposition au danger ». Insatisfaite, je consulte le Larousse qui décrit le risque comme étant « le fait de s'engager dans une action qui pourrait apporter un avantage, mais qui comporte l'éventualité d'un danger ».

Selon moi, le fait d’avoir franchi l’Atlantique à la rame constitue une entreprise qui comporte quelques risques, mais qui demeure une aventure où je me suis bien gardée de mettre ma vie en péril. Bon nombre de collaborateurs et amis navigateurs partagent cette opinion.

Tout bon capitaine en sait plus que le commun des mortels sur les dangers potentiels des  océans du globe. Il en va de même pour l’athlète expérimenté et le sport qu’il pratique. Seul l’adepte est conscient des dangers qui le guettent : il n’en tient qu’à lui de vérifier ses nombreuses procédures avant de prendre son élan. L’aventurier responsable se doit de connaître parfaitement les facteurs de risque associés à la pratique de sa passion, aussi grandiose soit-elle.

Crédit : Mylène Paquette

Téméraire? Pas du tout!

On m’a souvent dit, sourire aux lèvres, que je suis téméraire. J’ai régulièrement perçu ce commentaire comme une insulte. Pour ne pas le « prendre trop personnel », je me répète que l’humain est porté à juger ce qu’il ne saisit pas. Faute de connaître l’océan, on l’appréhende spontanément et on l’imagine comme étant essentiellement hostile et dangereux. À défaut d’admettre son ignorance sur le sujet, on prétend connaître tout en projetant nos propres craintes, et en portant des jugements discutables. Bref, chaque fois qu’on commente ma prétendue témérité, je dois m’expliquer : je ne suis pas téméraire, non. Mais courageuse, oui.

Le courage est une force de caractère et une question de choix, une question de pacte avec soi-même. Tout en nous aidant à reconnaître nos peurs, il nous permet d’entreprendre en étant honnêtes face à nos doutes, il nous permet d’établir nos propres limites. Le courage est un parfait équilibre entre audace et humilité.

Avant de m’élancer pour de bon dans toute nouvelle aventure, j’ai habitude d’évaluer tous les dangers auxquels je pourrais faire face. Je les décrypte, les étudie, les analyse. En cours de route, chaque doute qui survient alimente ma réflexion sur les prochaines actions à poser pour diminuer le risque et le ramener à une limite acceptable.

Est-ce que tous les aventuriers, amateurs de sensations fortes et de sports extrêmes risquent leur vie? De l’extérieur, on pourrait croire que oui; de l’intérieur, les avis sont partagés sur le sujet. Pour ma part, je crois que non : nous ne risquons pas tous notre vie pour l’amour des sensations fortes, loin de là. Si nous risquons parfois une part de nous-mêmes, nous le faisons pour nous surpasser, pour confronter nos peurs et les surmonter.

Si j’ai peur? Bien sûr. J’ai peur de l’eau! Je me répète d’ailleurs ironiquement : « Une chance! Une chance que j’ai peur de l’eau! » Et j’essaie souvent d’imaginer ce que j’aurais fait de ma vie si je n’avais pas tant souffert d’aquaphobie. Car c’est cette peur de l’eau qui m’a poussée à la prudence. Pour identifier le risque véritable, j’ai dû distinguer mes craintes fondées de celles qui étaient fictives. Cela m’a permis d’être honnête face au danger et de mesurer chaque geste pour en connaître les conséquences réelles.

Crédit : Arnaud Pilpré

Conscience, peur et danger

Sommes-nous tous conscients des dangers auxquels nous sommes confrontés au quotidien? Si notre inconscience face aux risques augmente, est-ce que le risque lui-même n’est pas plus important?

Je crois que vivre au rythme des aventures qu’on entreprend et fréquenter la nature et les grands espaces nous rapproche de nos limites et nous permet de les connaître. Notre peur est, selon moi, une alliée souhaitable tant au quotidien que lorsque nous nous éloignons des sentiers battus. La fréquenter nous permet de développer des réflexes essentiels face aux dangers.

Après m’être sensibilisée au risque inhérent lié au fait de porter toute mon attention sur l’écran tactile de mon téléphone intelligent lorsque je me déplace à pied, je me suis ravisée. Et si j’ai amorcé ma réflexion sur le sujet au cours d’une promenade, téléphone à la main, je peux vous assurer que je l’ai achevée… bien attablée à mon pupitre, les mains sur mon clavier.

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