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Les « bûcherons » du plein air

Quelles sont les nouvelles têtes de l’industrie du plein air au Québec ? Ces gens ont lancé leur entreprise depuis quelques semaines, ou même quelques mois. Cinq entrepreneurs québécois se confient, tour à tour, sur le début de leur aventure. Cinq « bucherons » partis explorer et défricher de nouveaux territoires.

Des présentations s’imposent : il y a d’abord Gabriel Beauséjour. Économiste de formation, il a créé avec son ami Tristan Houle la compagnie Tantal skis qui fabrique des skis haute performance en carbone, conçus pour répondre aux conditions particulières de l’est de l’Amérique du Nord.

Autre « bucheron » dans le même domaine et avec la même ambition, la compagnie Xalibu Skis, fondée en 2012 par Maxime Bolduc, responsable à l’époque du département ski dans une boutique MEC, et Alexandre Vézina, venant d’une formation de lutherie et de design industriel. Ces deux passionnés de hors-piste vendent des skis tout-terrain fabriqués au Québec et pour le Québec.

Julien Nantais, moniteur et propriétaire d’école de planche à pagaie (stand up paddle board) a lancé, en 2014, sa propre compagnie de planche : Unda SUP.

Deux hommes travaillent pour leur part sur un concept de vélo urbain : La Machine. Il y a d’abord Christian Brault, vendeur dans la boutique Le Yéti à Montréal et Érick Desforges, diplômé en design industriel à l’Université de Montréal. D’un projet de fin d’études, l’idée s’est transformée, il y a quelques mois, en véritable entreprise.

Enfin, il y a Mathieu Raymond. Cet ancien étudiant de l’Université Laval et coureur expérimenté de 800 mètres dans l’équipe du Rouge et Or, plonge tête première avec Math Sport dans la confection de souliers de course fait sur mesure et 100 % personnalisables.

Voilà pour les présentations. À présent, la parole est aux bucherons!

Pourquoi se lancer en affaires?

Maxime Bolduc (Xalibu) : « Avec Alexandre, on se disait que l’on n’avait pas de skis adaptés aux conditions de neige, très variables au Québec. On a donc voulu créer un ski tout-terrain. D’abord uniquement pour le plaisir, sans idée de commercialisation, puis on s’est rendu compte que nos skis réagissaient très bien et qu’ils étaient très appréciés. Alors, on s’est lancé! »

Érick Desforges (La Machine) : « Ce projet est né de la préoccupation des cyclistes sur le terrain. On s’est aperçu qu’il y avait un trou dans le marché pour le vélo urbain. L’industrie semble déconnectée des préoccupations des cyclistes urbains. Personne n’était reparti sur la table à dessin pour répondre à leurs besoins. On a donc voulu créer un meilleur objet, un vélo qui répond aux problématiques de vol, de sécurité et de transport de marchandises. »

Julien Nantais (Unda SUP) : « Certains modèles de planches des grandes marques ne sont pas adaptés aux cours d’eau du Québec. Il y avait donc une réelle demande. Il y a aussi des problèmes de service après-vente, qui t’oblige à renvoyer la planche à la compagnie mère, à l’étranger en cas de problème. Souvent, tu perds ta planche pour la saison, car ici, elle ne dure que trois mois de juillet à septembre... »

Mathieu Raymond (Math Sport) : « Je dois porter des orthèses quand je cours. Comme coureur, je ne trouvais rien de convaincant dans l’offre de souliers. Comme vendeur dans une boutique de course, je voyais que les clients avaient certains besoins particuliers auxquels on ne pouvait pas répondre. Les compagnies misent davantage sur la mode et le design que sur le confort. Moi, j’ai envie de proposer les deux dans un même soulier. »

Crédit: Courtoisie La Machine
La Machine

Quels sont vos principaux défis ou difficultés?

Gabriel Beauséjour (Tantal Ski) : « Percer dans le marché! Car même si l’on propose un produit de bonne qualité, le nom de la marque joue beaucoup. Après trois ans d’existence, on commence à se faire connaitre, mais ça reste compliqué. On a parfois le sentiment que la marque est plus importante que le produit. Pour faire sa place, il faut constamment faire de la promotion, être présent sur Internet, les réseaux sociaux, dans des articles, à des événements et des festivals. Au début, on se concentrait beaucoup sur la recherche et le développement, mais vient ensuite le temps de la connaissance et de la reconnaissance. Cela passe aussi par des partenariats avec l’industrie canadienne qui a les droits de distribution de marques internationales. C’est un moyen de tirer la couverture vers nous, de s’approprier un peu de la notoriété de compagnies connues et installées depuis plus longtemps que nous. »

Julien Nantais (Unda SUP) : « Pouvoir répondre à la demande, avoir un inventaire conséquent et suffisant pour ne pas imposer un délai de production au client. La saison de paddle au Québec est courte. Cela crée une impulsivité chez les clients. Il faut pouvoir être en mesure de répondre rapidement à la demande. Et puis, c’est un sport encore jeune, qui a besoin de se démocratiser. Il faut faire de la pédagogie, expliquer en quoi nos planches sont différentes, comment et où les entreposer.

Érick Desforges (La Machine) : « Arriver avec un prix concurrentiel, tout en manufacturant localement, au Québec. Avec une main-d’œuvre locale, le prix de vente est plus important. Et si l’on y ajoute en plus la marge des détaillants, cela devient hors de prix pour un vélo urbain. Le défi va être de changer les mentalités sur les modalités de vente. On veut développer notre propre modèle de vente, sans avoir recours aux détaillants traditionnels. »

Crédit: Unda SUP
Unda Sup

Est-ce que le « made in Quebec » est un plus?

Maxime Bolduc (Xalibu) : « Être Québécois, c’est sûr que ça donne un plus. Les gens accrochent davantage. Pour notre première production, on avait écrit made in Quebec en petit sur les skis. On nous disait de l’écrire en plus gros, car les gens pensent généralement que les produits d’une marque québécoise sont à coup sûr fabriqués à l’étranger. »

Mathieu Raymond (Math Sport) : « Quand j’ai lancé l’idée de l’entreprise, on me répondait souvent : « Au Québec, on ne crée pas ça! » J’ai monté le plan d’affaires, j’ai gagné des concours entrepreneuriaux et j’ai été capable de démontrer que c’était possible. Depuis, j’’ai été agréablement surpris de la réponse et du soutien des Québécois et des Canadiens, parce que mon idée et mon plan de développement tiennent la route. »

Érick Desforges (La Machine) : « Je sens chez les consommateurs l’envie d’acheter localement, pas juste parce que l’on est Québécois, mais aussi pour des raisons de développement écologique et durable, avec l’assurance que cela profite à des emplois rémunérés de façon juste et équitable. »

Gabriel Beauséjour (Tantal Ski) : « Certaines grosses compagnies du Québec utilisent le made in Quebec davantage comme argument marketing, alors qu’elles produisent à l’extérieur. Pour nous, cela amène une valeur en plus à l’image de l’entreprise, avec la reconnaissance et du respect. Mais on n’observe pas un effet concret sur les ventes. On est sûrement trop petit. Peut-être avec le temps, quand on sera plus gros. »

Crédit: Xalibu
Xalibu

À quoi ressemble le futur pour vous?

Maxime Bolduc (Xalibu) : « Le défi principal et ultime est qu’à terme, on puisse en vivre. La compagnie est encore jeune et ne nous permet pas de dégager des salaires. Tout est réinvesti dans l’entreprise. Il est encore très difficile de vivre uniquement avec la vente de ski hors-piste. C’est un marché difficile avec de gros compétiteurs, mais il se développe avec un fort engouement pour la pratique des nouveaux secteurs, et pas seulement dans les Chic-Chocs. »

Julien Nantais (Unda SUP) : « Je suis confiant! On va lancer de nouveaux modèles de planches pour la saison 2015 et développer nos propres pagaies. Cette activité va continuer de grandir. Ce n’est pas juste une mode saisonnière. La planche est un complément parfait pour tous les autres sports, qui fait travailler la coordination, l’agilité et les muscles stabilisateurs. En plus, c’est praticable par tout le monde, petits et grands. On peut aller chercher une clientèle très large. »

Érick Desforges (La Machine) : « Nous visons une production à l'hiver pour une mise en marché dès l'été prochain. Il y a au Québec, présentement, une effervescence très intéressante. On en est fier et on a envie de surfer sur cette vague en faisant des collaborations avec d’autres personnes, dans la publicité, de la vidéo, de la création graphique... La relève québécoise est bouillonnante de créativité, mais encore trop peu connue. Je suis certain que ce vivier va émerger dans les prochaines années. »

Crédit: Tantal Skis
Tantal Skis

Crédit: Math SportQuel conseil donneriez-vous aux futurs entrepreneurs?

Gabriel Beauséjour (Tantal Ski) : « Faire ses devoirs et bien connaitre son industrie. Avec Tristan, à nous deux, on a cinquante années d’expérience combinées dans le ski. On mange du ski depuis notre enfance. Il faut s’accrocher et ne pas se décourager. C’est une bataille de tous les jours!»

Maxime Bolduc (Xalibu) : « Pour se lancer, il faut de la passion et une bonne dose de patience, croire en son produit. Ne pas hésiter à chercher de l’aide, à trouver des partenaires, des compagnons de route. Souvent, les gens pensent que la concurrence est malsaine. Mais, dans le petit marché québécois, il faut s’entraider. »

Mathieu Raymond (Math Sport) : « Innover! On ne peut pas reprendre les recettes du passé. Si je fais comme Nike, je vais perdre à tous les coups. Il faut aller plus loin, travailler sur un produit qui rassemble plusieurs compétences et domaines. Pour moi, c’est la convergence de la course avec la formule orthopédique sur mesure, en faisant appel aux experts de chaque composante pour livrer un produit original et efficace. »

Encore plus
La Machine : facebook.com/velolamachine et deforj-brault.tumblr.com
Math Sport : mathsport.ca
Tantal Skis : tantalskis.com
Unda SUP: undasup.com
Xalibu : xalibuskis.com

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