Déjouer les allergies alimentaires en voyage
Une allergie alimentaire peut-elle constituer un frein aux voyages? Dans certains cas, elles compliquent bien les choses. Mais allergies et intolérances alimentaires sont conciliables avec l’aventure. À condition de partir bien préparé!
Tim Haveman est atteint de la maladie cœliaque; une intolérance au gluten. Pour lui, manger sans gluten est une obligation. Une simple bouchée de pain ou une croustille de blé et il souffrira de désordres digestifs, d’extrême fatigue et même de malaises dans les heures qui suivent. Le diagnostic de sa maladie, il y a huit ans, a changé sa vie : nouveau régime alimentaire, restrictions drastiques et importante sensibilisation auprès de ses proches. Jeune officier d’artillerie dans les Forces canadiennes, il a dû également quitter son poste, puisqu’il n’est plus capable de manger les rations conventionnelles fournies aux soldats en entrainement et sur le terrain. Il n’est plus tout à fait comme les autres…
Malgré ses nouvelles habitudes de vie, rien n’a altéré son gout pour l’action et l’aventure. Ses montagnes Rocheuses natales demeurent son terrain de jeu préféré pour de longues randonnées en arrière-pays, agrémentées de tortillas de maïs, de salades de riz ou encore de chili… sans aucune trace de blé, bien sûr : « Il faut accepter que nos choix de voyage soient plus restreints, que beaucoup de choses soient influencées par notre régime alimentaire et que ça influence aussi la vie des gens qui voyagent avec nous », explique-t-il. Malgré sa maladie, Tim s’en va ce printemps au Pôle Nord en ski de fond dans le cadre d’une expédition caritative menée par des vétérans de l’armée. Les personnes allergiques ou intolérantes doivent simplement mieux préparer leur voyage que les autres, selon lui : « Avec les années d’expérience et un réseau de contacts, j’ai appris à repérer les destinations et les compagnies aériennes qui proposent des repas sans gluten. Il faut cependant rester hypervigilant sous peine d’inconfort en voyage. Le plus dur, c’est de s’imposer une hygiène de vie exigeante à laquelle aucune exception ne peut être permise ». Pas même une petite bière (d’orge en général, contenant donc du gluten!) après une longue journée d’expédition…
Près de 4% de la population québécoise est atteinte d'une allergie alimentaire. Un nombre en constante augmentation avec 18 % des enfants allergiques de plus dans les dix dernières années. Si l’absorption de gluten ou de lactose provoque un sérieux mal-être aux personnes intolérantes, certaines allergies plus importantes peuvent conduire à de graves crises (digestives, cutanées, cardiaques), voire même à la mort en cas de non-injection d’adrénaline. « C’est pourquoi nous ne lésinons pas sur les mesures de prévention, le contrôle des ingrédients et la formation des cuisiniers locaux dans le cadre de nos séjours », explique Julie Betelu de l’agence de voyages d’aventures Karavaniers. Elle estime qu’environ un client par groupe (une personne sur huit en moyenne) déclare une quelconque intolérance ou allergie alimentaire. « Les destinations touristiques comme le Pérou, le Népal ou la Tanzanie connaissent plutôt bien la problématique et offrent facilement des alternatives de repas aux voyageurs allergiques. C’est par contre plus délicat en Mongolie ou même au Maroc où nous sommes parfois confrontés à des restaurateurs et des familles d’accueil de groupes qui ne comprennent pas l’importance de bien trier les aliments ni les conséquences que peuvent avoir des noix dans la soupe d’une personne allergique! »
La présence d’un voyageur allergique dans un groupe demande donc une extrême vigilance : « Notre équipe décortique toutes les étiquettes des aliments qui serviront en expédition, comme les barres tendres », continue Julie Betelu. Il nous est même arrivé un jour de demander à tous les membres d’un groupe de ne pas s’approcher d’une participante sévèrement allergique aux arachides lors de la pause collation. C’était une question de vie ou de mort pour elle! » Cette charge supplémentaire de temps et d’organisation pour les agences de voyages n’a pas encore affecté le prix des séjours. « On y réfléchit sérieusement, dit Julie Betelu, car on estime que les repas d’un voyageur allergique coutent entre 60 $ et 75 $ de plus par semaine par rapport à un client non allergique. » Il faut dire que la plupart des professionnels québécois d’expéditions font appel aux cuisines d’Happy Yak pour préparer des repas lyophilisés sur mesure, dont le cout est alors plus cher de deux dollars par rapport aux produits traditionnels. Sans gluten, sans protéine de lait, sans œuf ou sans noix, les ingrédients de chaque sachet sont minutieusement inspectés par Christine Chénard, nutritionniste et fondatrice d’Happy Yak : « Les clients allergiques m’appellent et je discute avec eux de leurs besoins et des spécificités de leur alimentation », explique-t-elle. « J’adapte ensuite mes recettes au cas par cas et travaille conjointement avec mes fournisseurs afin d’intégrer des ingrédients qu’ils toléreront. Ce n’est pas toujours rentable de passer du temps sur certaines commandes, mais j’essaye à ma façon de permettre aux gens de partir en voyage sans trop de soucis. »
Les personnes allergiques réussissent ainsi de plus en plus à abolir les contraintes logistiques qui se dressent devant leurs rêves d’aventure : « Avec l’ampleur que prend le phénomène, surtout chez les jeunes générations, c’est une réalité à laquelle nous devons nous habituer », constate François-Xavier Bleau de l’agence d’expéditions Terra Ultima. « Nous avons eu plusieurs cas de personnes souffrant d’allergies sévères lors de nos treks au Kilimandjaro. Puisqu’il arrive souvent dans un groupe des personnes végétariennes ou qui ont des préférences alimentaires, nous essayons de traiter chaque individu selon ses besoins. » Et si cela devenait normal d’être un cas particulier?
8 conseils pour bien préparer son voyage :
- Portez une identification MedicAlert® : les médailles et les bracelets de cette fondation canadienne portent une inscription reconnue par les professionnels de la santé dans le monde entier. En cas d’urgence à l’étranger, surtout dans les pays de langues étrangères, ils comprendront immédiatement que vous avez des spécificités médicales.
- Informez ceux qui vous accompagnent : il est important de mettre au courant la famille ou les amis avec qui vous partez en voyage de vos allergies et de la manière dont ils peuvent vous venir en aide en cas d’urgence.
- Prenez vos précautions : pensez à emporter au moins deux doses d’Epi-Pen ainsi que des auto-injecteurs supplémentaires dans votre valise. Apportez également vos propres aliments pour le déjeuner et les collations.
- Oubliez les « tout inclus », privilégiez les appartements-hôtels : puisque les buffets d’hôtels comportent toujours un risque de contact entre les aliments, choisissez des hébergements où vous pourrez vous-même cuisiner et ainsi manger sans soucis.
- Renseignez-vous et prévenez vos hôtes : faire des recherches sur les ingrédients couramment utilisés dans le pays de destination est primordial. Il est également recommandé de mettre au courant le chef cuisinier ou le propriétaire du B&B de vos allergies (si possible lors de la réservation afin qu’ils puissent s’organiser en conséquence).
- Montrez patte blanche à l’aéroport : ayez toujours avec vous une lettre du médecin certifiant vos allergies et la nécessité d’avoir vos seringues d’adrénaline en cabine (document à télécharger sur le site l’Association québécoise des allergies alimentaires).
- Avertissez la compagnie aérienne avec laquelle vous voyagez : au moment de la réservation du billet ainsi qu’à l’embarquement, mentionnez vos allergies alimentaires. Des plateaux-repas spéciaux vous seront servis et le personnel de bord prendra toutes les mesures nécessaires au bon déroulement de votre vol.
- Une image vaut mille mots : si vous voyagez à l’étranger, pensez à imprimer une photo du ou des aliment(s) allergène(s). Vous serez ainsi certain de vous faire comprendre dans toutes les langues du monde. Le site Allergy Action propose également une foule de traductions des aliments et des phrases importantes à dire pour avertir ses hôtes dans leur langue.