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Autopsie d’un accident de ski de fond dans les Laurentides

Daniel Lefebvre est un skieur expérimenté et président du Club de plein air les Aventuriers. En janvier 2022, une sortie entre amis s’est transformée pour lui en cauchemar après une chute et une fracture de la hanche.

Il lui faudra attendre 28 heures pour se faire opérer, après l’arrivée des secours et l’extraction en traineau puis en hélicoptère. Voici son récit et ses conseils* sur les bons gestes à adopter en cas d’accident.


Le mardi 18 janvier 2022 à 10 h, on stationne notre voiture sur le chemin du lac La Salle à Val-Morin. La veille, il est tombé un bon 15 cm de neige. C’est la première fois qu’on emprunte cette piste : la Dix Lacs par les sommets, une piste de ski nordique non entretenue qui promet beaucoup de dénivelé. Accompagné d’amis skieurs expérimentés, Louise, Pierre et Stéfan, on s’élance à la découverte de cette nouvelle piste sous un soleil radieux et un froid mordant.

Après 1 h 30 de montées et de descentes assez difficiles, nous arrivons à la fin de la piste au croisement de la Jack Gauthier. Stéfan prend à gauche pour retourner à sa voiture via la Petite Dix Lacs. Nous trois continuons à droite sur la Jack Gauthier vers la Munson pour revenir par la Cook.

Un peu avant midi, sur un faux plat descendant, je me laisse aller à regarder la beauté des cimes enneigées. Je glisse sans effort vers la jonction de la Dix Lacs.

Soudainement, mes skis heurtent un obstacle et sortent de la piste et je fais le grand écart. Mon corps voulait aller tout droit, mes skis chacun de leur côté. Les muscles de mes cuisses sont tendus au maximum. Puis, j’entends et ressens un craquement au niveau de ma hanche et je tombe en ressentant une grande douleur. Je suis incapable de bouger, alors je crie : « Louise, je suis blessé. Viens m’enlever mes skis! »

Dès que Louise détache mes skis, je rampe dans la neige sur quelques centimètres, histoire de mettre mes jambes côte à côte. Je ressens une souffrance de 10 sur une échelle de 10. Pierre nous a rejoint. J’ai un problème majeur au niveau de ma hanche. Je suis incapable de bouger tant ça fait mal. Rapidement, Louise retire mon sac à dos et en détache mon matelas de sol. Pierre et Louise creusent la neige sous mon corps pour y glisser le matelas et m’isoler de la neige froide car le thermomètre marque – 20 degrés Celsius. De mon sac à dos, Louise sort ma doudoune et mes amis m’aident à l’enfiler.

De mon côté, je suis relativement bien isolé de la neige au sol. Pierre sort son cellulaire et compose le 911. Il nous dit : « J’ai un signal! Ça sonne ». Ouf! C’est une sacrée chance, car il n’y a pas toujours de réseau dans ces secteurs éloignés.

Après une dizaine de minutes au téléphone à expliquer notre situation et l’emplacement de l’accident, Louise et Pierre travaillent à augmenter mon confort, car j’ai la certitude que les secours n’arriveront pas avant plusieurs heures. Comme je ressens un peu le froid sous mon corps au niveau des hanches, je leur demande d’ajouter quelques branches de sapin sous le matelas de sol afin de mieux m’isoler du froid. Heureusement, j’ai une sciotte pliable dans mon sac à dos. Par la suite, ils m’emballent comme un saucisson dans deux couvertures de survie. Je suis au chaud. La longue attente des secours commence.

Il s’écoule deux bonnes heures avant que d’autres skieurs arrivent.

Les deux premiers arrivent sans sac à dos ni équipement de secours. Puis, un troisième skieur arrive et se présente. Il s’appelle Éric et il a suivi un cours de premiers soins en région éloignée. Il souhaite m’examiner pour voir s’il y a apparence de déformation ou de sang.

Par la suite, d’autres skieurs arrivent en renfort. Je ressens le besoin d’enlever mes bottes de ski pour augmenter mon confort, car je sens maintenant une petite fraiche aux pieds. J’ai besoin de sachets chauffe-pieds. Après les avoir fixés sous mes pieds, on m’enveloppe les deux jambes avec d’autres couvertures de survie. Me revoilà bien au chaud.

Vers 14 h 30, les secours partent du lac La Salle. Ils prendront 1 h 30 en raquette pour arriver jusqu’à nous.

Pendant ce temps, les skieurs présents font un feu pour me réchauffer. Je suis protégé du froid bien enveloppé dans quatre couvertures de survie, un matelas de sol, des chauffe-pieds et mains ainsi que par le feu. C’est réconfortant de voir tous ces gens s’activer pour augmenter mon confort en attendant les secours. Pendant l’attente, la dizaine de skieurs présents en profitent pour socialiser et, à l’occasion, certains partent chercher du bois pour alimenter le feu ou font quelques pas pour se réchauffer. Personne ne quitte les lieux au cas où l’on aurait besoin d’eux. Je suis fier de faire partie de la confrérie des skieurs nordiques. Ça me réchauffe le cœur et le corps de voir tous ces gens prêts à m’aider.

Vers 16 h, soit plus de quatre heures après mon accident, huit pompiers et quatre ambulanciers arrivent en raquette avec un traineau. Rapidement, je suis immobilisé sur le traineau et, le temps de remercier tous ces amis skieurs qui sont restés si longtemps pour m’assister, la caravane de secouristes s’ébranle via la piste des Dix Lacs. La piste est croche, étroite et à flanc de coteau. Le traineau reste difficilement sur la piste et les pompiers redressent constamment le traineau qui menace souvent de se retourner avec moi dedans. Après 30 minutes force est de constater qu’on avance à pas de tortue malgré les efforts des sauveteurs. Je sens une fraicheur envahir tout mon corps et mon niveau d’énergie baisser. Je ne produis plus de chaleur. Quand un secouriste me demande si ça va, je lui réponds que selon moi, dans peu de temps je vais tomber en hypothermie. On progresse trop lentement, vous ne pourrez pas me sortir à temps.

Il faut trouver un lac et appeler un hélico!

La lumière de la pleine lune qui se lève éclaire la forêt, le mercure est à – 25 degrés Celsius. Après un autre 30 minutes d’une très lente progression, on m’apprend que l’on se dirige vers un petit chalet sur le lac Squater afin d’y attendre un hélicoptère.

Heureusement, Sylvain Barbeau du centre de ski Far Hills est là avec nous. Il connaît bien la région et sert de guide. Un secouriste est déjà parti vers le chalet allumer le poêle à bois.

Nous entrons dans le chalet vers 18 h et une bonne chaleur sort du poêle à bois même si le refuge est encore froid. C’est plus confortable que dehors. Plusieurs des secouristes commençaient à avoir froid aux pieds et mains.

En 1 h 30, nous n’avions parcouru qu’un peu plus d’un kilomètre. Ça aurait encore pris quatre heures pour faire les quatre kilomètres restants.

Les secouristes ont pris la bonne décision. Si nous avions continué, je serais sans aucun doute arrivé au lac La Salle en hypothermie trop avancée.

Enfin! L’hélico arrive à 20 h et me transporte directement à l’hôpital Sacré-Cœur de Montréal. J’y suis en 20 minutes et pris rapidement en charge. Malgré la pandémie, les services d’urgence fonctionnent bien. Après 28 h d’attente, je suis opéré pour une fracture du fémur au niveau de la hanche. Cinq jours après l’opération, je suis de retour à la maison et débute ma réhabilitation.

Suite à cette mauvaise aventure, je veux vous faire trois recommandations :

  • Ne partez jamais seul dans des secteurs éloignés peu fréquentés.
  • Gardez votre cellulaire au chaud. Par temps froid, la batterie peut très vite se décharger.
  • Mettez ce qui est indispensable dans votre sac à dos.

Bon ski!


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Quoi faire en cas d’accident?


© Page Facebook du Club de plein air les Aventuriers

Habituellement, en ski de fond, on s’habille légèrement pour éviter d’avoir trop chaud. Quand on est blessé au sol dans la neige, notre température corporelle peut chuter rapidement. Le premier geste à poser est essentiel : isoler la victime de la neige froide.

L’idéal est de toujours avoir en sa possession un tapis de sol, une doudoune et, au minimum, deux couvertures de survie.

 Si on n’a pas de matelas de sol, on peut mettre des branches de sapin ou d’épinette comme tapis isolant. Encore faut-il qu’il y en ait dans le secteur et ça prend beaucoup de temps et d’énergie pour en ramasser suffisamment.

La liste des items essentiels :

  • Tapis de sol
  • Doudoune
  • Cellulaire
  • Couvertures de survie (au minimum deux)
  • Sachets chauffe-mains et pieds
  • Trousse de premiers soins

Et ceux très utiles :

  • Sciotte pliable
  • Paire de mouflons
  • Lumière frontale
  • Corde et ruban adhésif (duct tape)

* Nous republions le texte de Daniel Lefebvre, révisé et édité, avec l’aimable autorisation de l’auteur.


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