Coronavirus : reprise des voyages, à l’étranger comme ici
Depuis l’annonce de l’abandon progressif des mesures sanitaires et de certains contrôles à l’aéroport, l’envie de bouger et surtout de franchir les frontières canadiennes se fait de plus en plus forte, chez les Québécois. Y compris en Europe, malgré l’instabilité créée par l’invasion de l’Ukraine. Tour d’horizon et état des lieux de plusieurs voyagistes spécialisés en séjours actifs.
Après le ballon de la reprise dégonflé par l’aiguillon omicron, à la fin de 2021, et après quelques mois additionnels de restrictions, plusieurs Québécois semblent avoir atteint la capacité de « vivre avec le virus ». Il faut dire qu’avec un taux de vaccination de plus de 86 % (au moins une dose) et près de la moitié de la population infectée, deux ans après le début de la pandémie, le méchant virus à cornes fait moins peur.
Certains hésitent encore à sortir leur carte de crédit et à réserver leur séjour à l’étranger, en attendant de voir ce qui se passera, tant du côté de la pandémie que de celui de la guerre en Ukraine. Les voyagistes exhortent cependant les pleinairistes à ne pas trop tarder : les séjours partent vite, les hébergements se remplissent rapidement, le prix des billets d’avion risque d’augmenter avec la hausse des prix du pétrole, et de façon générale, l’offre ne sera pas aussi abondante que par les années passées.
Terres d’Aventure Canada
© Page Facebook de Terres d’Aventure Canada
« Ça y est, cette fois, c’est reparti, se réjouit Jad Haddad, directeur général de Terres d’Aventures Canada (et de Karavaniers). Depuis un mois, les réservations ont repris, et pas seulement au Québec et au Canada, mais également en Europe. Non seulement on a retrouvé le chiffre d’affaires de 2019, mais on est en train de le dépasser. »
Chez ce voyagiste français doté d’antennes à Montréal et Québec, spécialiste mondial du voyage à pied, la clientèle en a assez d’attendre. « On sent l’urgence de repartir, après deux ans sans voyager normalement. Certains sont d’autant plus motivés qu’ils réservent pas un, mais deux, voire trois voyages d’un coup, dans certains cas. » Et tant pis pour les risques – de plus en plus minimes – de transmission du virus.
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« Ça ne semble pas être une inquiétude : avant de réserver, les gens nous posent surtout des questions sur les couvertures d’assurance et les conditions rattachées aux voyages, pas sur la composition des groupes ou le nombre de personnes qui en fera partie », souligne Jad Haddad. Celui-ci rappelle que si Terdav offre plusieurs séjours accompagnés (dont bien des départs garantis), il propose également de nombreux voyages sur mesure, pour cercles restreints (couple, famille, amis, etc.), mais aussi du vélo, des voyages thématiques (hautes montagnes, terres polaires, etc.)…
© Page Facebook de Terres d’Aventure Canada
Bien que les séjours au Québec – notamment les virées en vanlife de luxe – et au Canada continuent d’avoir la cote, on sent davantage l’ouverture pour le reste du monde, de Madère au Népal en passant par l’Espagne et la Colombie.
Karavaniers
Japon © Page Facebook de Karavaniers
Après s’être retourné sur lui-même à la vitesse de l’éclair pour offrir des aventures originales au Québec, au tout début de la pandémie, Karavaniers a recommencé à agiter sa boîte à idées, dès les annonces de février.
Outre ses classiques et valeurs sûres, comme le Kilimandjaro en juillet et le Népal en octobre, ce voyagiste québécois d’aventures propose désormais des séjours dans des destinations moins courues, comme les îles Canaries et le Monténégro. Plusieurs thématiques sont également proposées (trek et randonnées bien sûr, mais aussi kayak, alpinisme, observation de la nature, navigation…) de même que des séjours Dolce Vita, où on ajoute le confort et le réconfort, le soir, à l’effort, durant la journée : les Rocheuses canadiennes, les Açores, les kasbahs du Maroc, la pirogue sur le Mékong…
Le Japon et le Pays Basque ont aussi fait leur apparition sur la liste des destinations du voyagiste, affilié à Terres d’aventure Canada, et il pourrait en aller de même avec la Norvège, l’automne prochain, possiblement aux îles Lofoten avec un camp de base flottant.
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« Nous avons également profité de la pandémie pour revoir nos itinéraires sur certaines destinations, comme le Maroc et le Népal, ajoute Richard Rémy, fondateur du voyagiste. Quant à la Crète, la demande est toujours forte : nos séjours d’octobre sont déjà complets. »
Mais si certains voyageurs sont enthousiastes, d’autres demeurent plus frileux. « J’ai l’impression que certains de nos clients attendent de voir s’il y aura une réelle reprise sur l’international avant de réserver, tout en gardant l’Ouest canadien comme solution de rechange, si ça se complique », dit-il.
« Les gens manifestent de l’intérêt, ils assistent en grand nombre aux conférences et se montrent intéressés par les voyages, poursuit Richard Rémy. Mais quand vient le temps de passer à la caisse, certains hésitent encore. Sans doute ont-ils peur des tracasseries qui subsistent (tests, masque dans l’avion, etc.) ».
© Page Facebook de Karavaniers
Quant aux voyages au Québec, on ne sait pas jusqu’à quel point la demande sera forte, cette année. Une chose est sûre, c’est qu’on continuera de proposer les meilleures aventures développées pendant la pandémie, comme au Mushuau Nipi, offert cette année en trek avec transport des bagages par rivière.
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Expéditions Monde
Compostelle © Page Facebook d'Expéditions Monde
Chez Expéditions Monde aussi, la reprise se fait bien sentir. Pour la filiale canadienne de ce géant australien spécialisé dans les voyages actifs, basé à Ottawa, la demande pour les Maritimes, l’Ouest canadien et l’Europe est forte, depuis quelques temps.
« Les voyageurs acceptent maintenant l’idée que voyager implique certains risquent et désagréments, et que les conditions sont différentes (masque à bord, vaccination, tests, etc…), alors ils sont plus enclins à réserver », indique Nathalie Gauthier, directrice, Amérique du Nord.
Bien sûr, certains pays maintiennent le passeport sanitaire tandis que les conditions d’entrée demeurent plus complexes dans certains cas (au Bhoutan par exemple). Mais l’engouement demeure bien réel pour les pays où les restrictions sont désormais minimes.
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Il en va ainsi des périples en vélo-pénichette, en Europe, mais aussi des pèlerinages, pas nécessairement à des fins religieuses. « Bien des gens entreprennent les chemins de Compostelle ou la via Francigena parce qu’ils apprécient l’histoire, la culture, les beaux paysages… »
© Page Facebook de via Francigena
Selon Nathalie Gauthier, la formule « en liberté », qui permet de suivre un itinéraire et de passer la nuit à des endroits préétablis, et qui fait en sorte que les gens demeurent dans leur bulle, en rassure plus d’un et incite les gens à recommencer à partir.
« Il faut dire aussi que nous offrons plusieurs séjours dans des endroits peu fréquentés, ce qui plaît à ceux qui veulent minimiser les contacts humains : le Yukon, les Territoires-du-Nord-Ouest, le Labrador… », poursuit la directrice.
« Pour l’instant, nous demeurons optimistes, conclut-elle, mais qui sait ce que nous réserve l’automne – sans compter les impacts de la guerre en Ukraine? Personne n’a de certitudes sur notre capacité à vivre avec le virus, mais une chose est sûre : personne n’a envie de revenir en arrière. »
Vélo Québec Voyages
L’agence de voyages de Vélo Québec (VQ) sort d’une année 2021 mitigée, mais riche d’enseignements, reconnaît sa directrice générale, Andrée Gervais. « Comme beaucoup, on a pu tester notre programmation exclusivement Québec/Canada. Cela nous a permis de procéder à des ajustements et des retouches pour cette année ».
Le Canada sera une nouvelle fois au cœur de la programmation 2022, avec une cinquantaine de départs et, en tête d’affiche, la traversée du pays en 52 jours. Annulé en 2021, ce périple de 7 semaines de vélo entre Vancouver et Montréal semble en bonne voie d’être confirmé pour cet été aux vues des inscriptions qui vont bon train.
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Ce genre de voyage a fait des petits, avec le Tour des Cantons et, nouveauté 2022, la traversée du Québec entre Montréal et Gaspé.
Vélo Québec Voyages mettra également le cap sur l’Europe, à travers des destinations incontournables : le Portugal, la France, l’Italie, la Grèce ou encore l’Espagne. Du côté des États-Unis, même ambition d’y aller avec du classique : Cape Cod, le Vermont, la Floride, l’Utah.
« L’année 2022 en sera une de transition relativement conservatrice, explique Andrée Gervais. On n’est pas revenus entièrement à ce que l’on proposait avant la pandémie. Il faudra certainement attendre 2023 ou 2024. On propose tout de même plus de 90 départs en formule groupe, soit le double de 2021. À cela s’ajoute la quarantaine de voyages en formule en liberté ».
© Tourisme Victoriaville et sa région
Plus que la quantité, VQ mise surtout sur la variété, que ce soit en terme d’intensité, de formule ou de type de vélo. Un voyage de vélo de gravelle dans le comté d'Arthabaska (Centre-du-Québec) est, par exemple, proposé aux amateurs de chemins non asphaltés.
La filière événementielle de VQ reprend aussi du service avec le retour des événements cyclistes : la Petite Aventure (1er - 3 juillet), le Grand Tour (6 – 12 aout) ou encore le Festival Go vélo Montréal avec le Défi Métropolitain (29 mai), et le Tour la nuit (3 juin), le Tour de l’Ile (5 juin).
« On essaye de répondre à tout le monde, en s’adaptant aux demandes et envies du moment, en fonction du contexte très changeant et incertain », conclut Andrée Gervais.
Ékilib
Arizona © Ekilib
Si la saison estivale 2021 a été particulière, elle ne fut toutefois pas avare de beaux succès au Québec, reconnaît l’agence de voyages à vélo Ekilib.
« On a développé une belle programmation de voyages étendue, en liberté ou en groupe, dans nos régions : le lac Saint-Jean et le fjord du Saguenay, le Bas-Saint-Laurent ou encore les Cantons-de-l’Est, explique Jean-François Gagné, son directeur général. Les Québécois ont redécouvert les plaisirs de parcourir la province à vélo ».
Nouveauté de l’année dernière, la Traversée du Québec revient en 2022. Ce genre de voyages d’envergure, qui s’étend sur 19 jours entre Gatineau à Percé, a tellement plu qu’il a poussé l’agence à en développer d’autres :
- Le Tour sud-est du Québec : 8 jours entre la Beauce, Mégantic et les Appalaches
- Le Triangle des Rivières : 8 jours à longer la rivière des Outaouais, la rivière Rideau et celle des Mille Îles
- La Traversée des Maritimes : 16 jours entre l’Acadie, l’Île du Prince Édouard et Halifax.
© Ekilib
L’international sera de nouveau au programme d’Ekilib, avec une série de voyages chez nos voisins du sud et en Europe. Côté américain, ça se passe surtout au printemps avec l’Arizona – Tucson, Saguaro et le mont Lemmon en camp de base dans un environnement luxueux – en avril, puis un road trip cycliste en Utah, dans les grands parcs de l’Ouest. « Parfait pour bien débuter la saison », assure Jean-François Gagné.
Pour l’Europe, l’agence revient avec une programmation régulière, semblable à ce qu’elle proposait avant la pandémie, avec plus de 40 destinations pour des séjours vélo en liberté (France, Italie, Portugal, etc.) et autant pour les voyages en groupe (la Loire, Cambrils/Costa Dorada, l’Alsace, les Pouilles, etc.). Il y a également les voyages vélo-bateaux qui commencent dès avril aux Pays-Bas pour aller admirer les tulipes en fleur.
« Pour cette saison, on a beaucoup de cartes et d’atouts dans notre jeu. L’offre est présente. Aux voyageurs de faire leur choix! » conclut Jean-François Gagné.
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Chinook Aventures / Détour Nature
Grand Canyon © Chinook Aventures
Petite sœur d’Ekilib en version rando, Chinook Aventures revient avec une programmation marquée par les montagnes de l’Ouest, dans les Rocheuses, mais aussi aux États-Unis.
« Les voyages de randonnée en camping et en hôtel ont connu un bon succès en 2021 avec encore des formules guidées et en liberté, explique Jean-François Gagné. Cette année, on retourne dans les Rocheuses ».
Chez nos voisins du sud, Chinook proposera plusieurs escapades guidées dans les grands parcs du Sud-ouest américain : la Californie et l’Arizona dans les déserts en fleurs; Zion, Bryce et Grand Canyon; Yosemite.
Bic © Détour Nature
Centré sur le Québec, Détour Nature offrira des voyages de randonnée de 3 à 7 jours (avec transport à partir de Montréal) dans plusieurs régions de la Belle Province
- Charlevoix en 4 jours.
- Charlevoix et le Fjord du Saguenay en 7 jours.
- La Gaspésie et les Chic-Chocs en 6 jours.
- Le Bic en 4 jours.
- Mégantic et Gosford en 3 jours.
Le spectre de la guerre en Europe
Qui aurait cru, en février dernier, que le mauvais feuilleton de la pandémie se poursuivrait par un épisode aussi éprouvant qu’inattendu, l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine?
Puisqu’une calamité n’attend jamais l’autre, voici qu’une autre potentielle crise est en train de poindre à l’horizon : le spectre d’un embrasement en Europe, voire au-delà. Faut-il craindre pareille escalade? Bien sûr que oui, car tout bouge très vite et c’est un tyran sans pitié, aux objectifs nébuleux, qui tire les ficelles.
Pour l’instant, rien n’indique cependant qu’on devrait se priver de voyager sur le Vieux Continent, hormis dans les pays entourant l’Ukraine et l’ouest de la Russie (Pologne, Roumanie, Hongrie, États baltes, Finlande…). Car qui a envie de se trouver dans un proche rayon d’une catastrophe nucléaire comme celle qu’on a frôlée, lors de l’incendie de la centrale de Zaporijjia? Sans compter la menace d’une expansion du conflit…
Pour l’heure, les acteurs du tourisme se croisent les doigts et vont de l’avant. Air Canada a ainsi annoncé la reprise de 34 destinations, dont plusieurs vols en Europe, et Air Transat réactivera 25 destinations européennes, dès le mois d’avril. Quant aux voyagistes, ils n’ont d’autre choix que d’attendre de voir comment évoluera la situation.
« Au moins, depuis le début de l’invasion, nous n’avons pas constaté de réelle différence dans nos réservations, assure Jad Haddad, prêt à parer à toute éventualité. Mais si jamais ça se complique, nous composerons avec : l’adaptation aux réalités géopolitiques des pays, comme nous l’avons fait avec le Yémen, le Mali, la Syrie ou l’Éthiopie, ça fait partie de notre travail… »