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Plein air et pandémie : Covid-19, et après?

Depuis 2020, on a observé certains effets immédiats de la pandémie sur les comportements en pleine nature. Mais que sait-on de ses conséquences à long terme?

Ces 18 derniers mois, on a vu quelle forme prenaient les impacts de la pandémie : recrudescence des néophytes dans les parcs et autres sites de pratique, razzia sur les équipements spécialisés, invasion en règle de certaines destinations... Au-delà de ces constats, comment l’industrie du plein air et du tourisme, privée de visiteurs internationaux, s’organise-t-elle pour assurer sa pérennité et répondre à la demande locale sans y perdre son latin?

Des impacts mitigés


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Selon une étude réalisée en 2020 par Aventure Écotourisme Québec (AEQ), 48 % des entreprises membres ont connu une augmentation substantielle de leur achalandage et environ la même proportion a subi une baisse drastique de ses opérations. À cause des mesures imposées par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les agences travaillant à l’international (voyagistes expéditifs et réceptifs), on le sait, ont été stoppées net dès le printemps 2020. En revanche, certaines entreprises comme Vallée Bras-du-Nord, dans la région de Portneuf, ou encore Descente Malbaie, dans Charlevoix, ont peiné à répondre à la forte croissance de visiteurs locaux et interrégionaux, autant pour les activités guidées que pour l’hébergement. 

L’étude de l’AEQ fait également état d’effets observés sur l’industrie qui pourraient bien perdurer après l’épisode pandémique. « Depuis l’automne dernier, on travaille sur un site de réservation en ligne, Reservotron, et on incite nos membres à y adhérer, explique Pierre Gaudreault, directeur général de l’AEQ. En offrant la billetterie et le formulaire d’acceptation des risques en ligne, on évite les contacts et les files d’attente. Ces outils risquent fort de demeurer dans le futur. » D’ailleurs, toujours selon cette étude, 67 % des membres de l’AEQ se sont dotés d’outils numériques pour s’adapter aux recommandations de l’INSPQ.

Découvrir son Québec un forfait à la fois


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« Pour plusieurs, la pandémie a braqué les projecteurs sur un besoin réel de nature et sur le caractère exceptionnel de notre territoire, affirme Martin Soucy, président directeur général de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, qui a dû se repositionner sur le plan national. Nous travaillons fort pour promouvoir notre territoire auprès du marché québécois et pour offrir des options variées, notamment avec la création de forfaits incluant une ou plusieurs nuitées. » 

La forfaitisation du tourisme, surtout de nature, est l’une des priorités de l’Alliance, notamment avec le programme Explore Québec, qui propose – encore cette année – des séjours en plein air de quelques jours partout en région, dont le quart du prix est assumé par le gouvernement du Québec. Multiactivités dans les Laurentides, exploration des parcs des Cantons-de-l’Est ou encore séjour dans une communauté autochtone de la Basse-Côte-Nord : le choix est vaste et varié. 

« Les Québécois ne sont pas familiers avec les forfaits touristiques, dit Martin Soucy. Avec ce programme, on espère créer une habitude.» D’ailleurs, cette formule existe déjà dans des régions difficilement accessibles, comme en Minganie et sur la Basse-Côte-Nord, où la coopérative Voyages Coste offre depuis des années des forfaits en partenariat avec des membres de la coopérative : hébergements, restaurants, sites culturels, producteurs en tourisme d’aventure, etc.

L’an dernier, la recommandation de rester dans sa « bulle familiale » durant ses vacances a amplifié un phénomène qu’on voyait s’installer depuis quelques années : le goût pour la vanlife et le road trip en véhicule récréatif (VR), tous deux adoptés par beaucoup de Québécois. Rien que sur la Côte-Nord, on a assisté à un véritable raz de marée inédit : « On n’avait alors jamais vu autant de VR, dit Nicole Caron, chez Voyages Coste. Les gens ont beaucoup circulé en autonomie et en famille le long de la Route 138.. »  


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Changer de clientèle ou de destination


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Reste que certains voyageurs ont plus de mal que d’autres à renoncer à une certaine envie d’ailleurs. Les grandes agences québécoises de voyages d’aventure, qui envoient leurs clients à l’autre bout du monde en temps normal, ont dû les réorienter vers des destinations à découvrir sur le territoire national (Ouest canadien et Minganie, notamment).

Quant aux agences réceptives comme Windigo Aventure, dont la clientèle était jusque-là exclusivement constituée de touristes européens en quête des grands espaces du Québec et de l’Ouest canadien, elles ont dû revoir leur stratégie commerciale : « Ce changement de clientèle nous a incités à proposer aux Québécois des circuits plus originaux que ceux qu’ils ont l’habitude de faire par eux-mêmes, notamment dans des secteurs reculés des Rocheuses», explique Josiane Bureau, directrice de la marque Windigo. 

Attirer la toute nouvelle clientèle des Québécois, qui ne connaissaient même pas cette agence, a représenté tout un défi. « Nous avons utilisé nos réseaux sociaux et organisé des conférences virtuelles; ça a répondu plutôt bien, résume Josiane Bureau. Nous envisageons aussi de développer des circuits individuels, mais en proposant un support logistique – transport de bagages, réservation d’hébergements –, notamment pour le vélo de gravelle. Enfin, nous voulons encourager le partenariat avec des fournisseurs locaux et des entreprises qui nous ressemblent. » 

Adopter de meilleures pratiques semble être, en effet, un autre effet collatéral de cette drôle d’époque. Ça tombe bien : le ministère du Tourisme en fait une priorité. La ministre Caroline Proulx a annoncé, l’hiver dernier, un investissement de 30 millions de dollars pour soutenir la transition vers le tourisme écoresponsable d’ici 2025, affirmant ainsi la volonté du gouvernement du Québec d’encourager l’économie circulaire, le transport touristique électrique et le développement de circuits dans des régions dites « éloignées », en manque de revenus touristiques : Basse-Côte-Nord et Île d’Anticosti, pour ne citer qu’elles.


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Opérer à l’année

Faute de touristes, plusieurs fournisseurs québécois ont dû adapter leurs circuits pour la clientèle locale uniquement. Chez Fjord en kayak, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, la transition a été couronnée de succès, puisque l’entreprise est passée de 25 expéditions en temps normal à 35 et ce, pour six semaines d’opération seulement (entre la mi-juillet et la fin août). « Une autre tendance qui s’est affirmée depuis la dernière année : la hausse marquée des formations de niveau I et II en kayak de mer pour devenir autonome », dit Myriam Savard, propriétaire de Fjord en kayak.

Jusque-là, Fjord en kayak ne proposait à sa clientèle que des activités estivales, mais l’entreprise de L’Anse-Saint-Jean songe désormais à développer des aventures hivernales dont le contenu devrait être livré dès l’automne. Une bonne nouvelle quand on sait que la plupart des sites touristiques – hébergements surtout – ferment leurs portes après la fête du Travail ou les ouvrent seulement aux visiteurs étrangers qui désirent vivre des aventures dans le « vrai hiver canadien ». 

Les entreprises de traîneau à chiens ont d’ailleurs fait les frais du manque de visiteurs étrangers, puisqu’ils ont dû continuer à nourrir et à entretenir leurs chiens sans aucun revenu. « Nous avons eu un soutien énorme de nos partenaires et de l’AEQ, qui nous a aidés à trouver des ressources », insiste Nancy Jane Saint-Jean, copropriétaire d’Aventure Inukshuk, qui propose des sorties dans la Station touristique Duchesnay. Même l’entreprise de nourriture canine Mondou a fait un don substantiel de 50 000 livres de moulée pour aider les chenils à survivre. Aventure Inukshuk, qui compte 200 huskies et alaskans, a bénéficié de cette aide. L’entreprise propose d’ailleurs plusieurs activités en été, dont l’observation de l’ours et le canikart, version estivale du traîneau à chiens. 

Qui sait? Peut-être que cette dernière année nous a appris à moins et à mieux voyager, selon des principes durables, et à découvrir ce qui fait le charme indubitable de notre Québec : ses quatre saisons... 


L’adaptation a un coût (élevé)

« Nous avons réussi à survivre grâce aux subventions salariales et aux aides financières, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial », explique Martin Soucy, de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec. En mars 2021, un programme de subventions de 300 millions de dollars et de prêts garantis a été annoncé au profit des entreprises de tous les secteurs d’activité touristique. « Le soutien financier de l’industrie par les deniers publics est essentiel pour qu’on puisse demeurer concurrentiels avec des destinations dont le PIB doit beaucoup au tourisme », ajoute Martin Soucy. Car même si les Québécois ont largement soutenu l’industrie locale en se déplaçant d’une région à une autre pour faire du tourisme d’aventure durant la dernière année, leurs dépenses n’ont pas pour autant compensé le manque à gagner causé par l’absence totale de visiteurs étrangers. 

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