Pour ou contre la tarification d’accès dans les parcs nationaux du Québec?
La nature devrait-elle être gratuite? Devrions-nous payer pour visiter les parcs du Québec, en plus des impôts que nous payons déjà pour leur gestion? Depuis mars 2005, la tarification en vigueur à Parcs Québec est échue ; elle sera révisée dans les prochains mois (ou les prochaines années), plus probablement à la hausse qu’à la baisse. Du côté de Parcs Canada, où les tarifs sont plus élevés qu’à la Sépaq, des augmentations ont déjà été annoncées. Le Québec devrait-il emboîter le pas? Quelle conception privilégier? La responsabilité du citoyen utilisateur ou le principe de la gratuité à l’accès du patrimoine naturel québécois?
POUR des droits d’accès
Les parcs nationaux du Québec ont pour mission de protéger et de conserver des territoires représentatifs des régions naturelles du Québec ou de sites exceptionnels rendus accessibles à des fins éducatives et de pratique d’activités compatibles avec la mission. Aucune exploitation commerciale des ressources naturelles n’y est autorisée. Les parcs représentent un patrimoine naturel protégé unique que la société québécoise lègue aux générations futures, tout en ayant le privilège de l’utiliser aujourd’hui.
La mise en œuvre de la mission des parcs exige des efforts importants, qu’on pense à la réalisation d’activités éducatives, des programmes scolaires, de la protection du territoire, de l’acquisition de connaissances, de la recherche et du suivi de l’intégrité écologique. L’essentiel des coûts pour la réalisation de cette mission d’État est assumé par le gouvernement du Québec à même les taxes des citoyens.
De plus, la mise en valeur des parcs et leur accessibilité exigent la réalisation d’aménagements permettant l’accueil des visiteurs, tels que des sentiers, des pistes cyclables, des belvédères. Des services doivent aussi être mis en place pour répondre aux besoins des utilisateurs afin de leur faciliter la découverte de ces territoires exceptionnels, tels que les services d’accueil, d’information, ou d’entretien des équipements et des terrains. Toutes ces actions sont réalisées avec un souci constant du respect de l’intégrité du milieu naturel.
Depuis plusieurs décennies, des dispositions existent dans les lois qui régissent les parcs nationaux canadiens et américains afin de faire contribuer financièrement les visiteurs pour compenser en partie l’impact de leur fréquentation sur les milieux protégés. Rappelons que les parcs nationaux du Québec ont une mission équivalente et visent les mêmes standards d’excellence que les autres parcs nationaux.
La contribution financière demandée aux visiteurs représente 7 % du budget annuel du réseau Parcs Québec. Une contribution responsable et essentielle qui s’ajoute aux montants que le gouvernement verse aux parcs et aux revenus générés par les activités et services. Tous ces revenus, incluant ceux de la tarification, sont réinvestis par la Sépaq dans chacun des parcs pour assurer leur protection et leur mise en valeur et pour maintenir et développer des services de qualité dont tous peuvent bénéficier.
Quand on y pense bien, verser quelques dollars pour visiter un parc national, c’est peu, mais à la fois significatif pour s’assurer de la conservation et de l’accès au plus beau patrimoine naturel du Québec.
- Raymond Desjardins, vice-président exploitation Parcs Québec (Sépaq)
Pour une tarification, mais... assurément CONTRE les « injustices »
La Société pour la nature et les parcs (SNAP) ne s’oppose pas au principe de la tarification pour la fréquentation des parcs nationaux du Québec. Bien que la conservation du patrimoine naturel soit une responsabilité collective, nous croyons que les droits d’accès sont un « mal nécessaire » pour financer le réseau des parcs qui en a grand besoin. Dans la mesure où les revenus provenant des utilisateurs s’additionnent au budget déjà en place, ces revenus supplémentaires permettront l’entretien et le développement du réseau. En souhaitant, bien sûr, qu’ils ne représentent pas une quelconque substitution pour diminuer l’implication de l’État. Toutefois, les droits exigés doivent rester à la portée de tous afin d’éviter l’élitisme et d’encourager un maximum de personnes à jouir de ces havres de paix.
Saviez-vous que certains utilisateurs, et définitivement pas les moins nantis, sont exemptés des droits d’accès? En effet, les skieurs alpins et les golfeurs ne doivent rien débourser à la SÉPAQ pour pratiquer leurs activités dans les parcs. La politique sur les parcs reconnaît que les activités de récréation intensive, notamment le ski alpin et le golf, n’ont plus leur place dans le réseau mais qu’elles sont encore tolérées pour des raisons historiques dans certains parcs (Mont-Tremblant, Mont-Orford, Îles-de-Boucherville et Mont-St-Bruno). Sous prétexte que les centres de ski alpin et les parcours de golf ont des baux à long terme et versent un loyer à la SÉPAQ, cette clientèle est exonérée des droits d’accès.
La SNAP trouve injuste que ces utilisateurs bénéficient d’un passe-droit alors que la récréation intensive a de lourds impacts sur l’intégrité écologique des parcs, comme la destruction et l’artificialisation des écosystèmes. De plus, les baux ne rapportent que des peanuts, un montant symbolique, à la SÉPAQ. Par exemple, le groupe Intrawest paye une somme dérisoire de l’ordre de 10 000 $ par année pour son occupation du Parc national du Mont-Tremblant. Imaginez si les 750 000 visiteurs du centre de ski Mont-Tremblant, les 300 000 visiteurs de la station Mont-Orford (ski et golf), les 150 000 skieurs du Mont-Saint-Bruno et les 40 000 golfeurs des Îles-de-Boucherville payaient leur droit d’accès comme tous les autres utilisateurs… Même avec un achat massif de carte d’accès saisonnière, plusieurs millions de dollars pourraient être ainsi injectés dans le réseau grâce à ces activités « délinquantes ».