Débat : faut-il s’aventurer hors des sentiers battus ?
Été comme hiver, la tentation est grande de quitter les chemins balisés en quête de sensations fortes et de paysages vierges. Mais l’aventure n’est pas sans risque. Surtout si l’on est mal préparé. La récente tragédie de Kicking Horse (qui a coûté la vie à Marie-Josée Fortin) nous l’a tristement rappelé cet hiver. En dehors des sentiers battus, la prudence doit être de mise.
Été comme hiver, la tentation est grande de quitter les chemins balisés en quête de sensations fortes et de paysages vierges. Mais l’aventure n’est pas sans risque. Surtout si l’on est mal préparé. La récente tragédie de Kicking Horse (qui a coûté la vie à Marie-Josée Fortin) nous l’a tristement rappelé cet hiver. En dehors des sentiers battus, la prudence doit être de mise.
Conseils d’expert :
« On ne veut pas interdire le hors-piste, mais on veut mettre en garde les gens pour qu’ils prennent certaines précautions. Le GPS n’est pas une nécessité et n’est pas infaillible. Ça tombe à l’eau, ça se brise, les batteries s’usent : il ne faut pas être dépendant du GPS et avoir une bonne base de cartographie. Il faut aussi connaître le secteur où l’on s’aventure et connaître des voies de sortie. Ça peut être un sentier, une ligne électrique, un ruisseau, tout repère utile pour s’orienter. Ayez aussi un minimum d’équipement de premiers soins. On pense toujours qu’une sortie en forêt n’est pas dangereuse, mais ça ne prend pas grand-chose pour que tout vire au malheur. Une fracture de cheville est vite arrivée.
Il est important de signaler son itinéraire à quelqu’un avant le départ et, idéalement, de ne pas partir seul. Surtout dans les coins que l’on connaît mal. Buvez amplement pour ne pas vous déshydrater et gardez votre énergie. Quand on réalise qu’on s’est perdu, il ne faut plus bouger. Faites un feu, un abri, si vous êtes capable. Vaut mieux attendre sur place les secours, c’est le secret pour être retrouvé plus rapidement. N’essayez pas de retrouver votre chemin : c’est à ce moment-là que les gens se perdre encore plus. Si tout le monde avait un GPS, une boussole, une carte et savait comment s’en servir, personne ne se perdrait au Québec. »
– Luc Sabourin, technicien en recherche terrestre à la Sûreté du Québec
surete.qc.ca
Quand l’aventure tourne mal…
Aron Ralston est un miraculé. Parti en solitaire pour se promener dans les canyons de l’Utah en mai 2003, un rocher lui tombe dessus et immobilise son bras. Coincé pendant six jours, il ne peut se libérer qu’en amputant son avant-bras avec son vieux canif. Aujourd’hui, avec une prothèse spécialement adaptée, il continue d’atteindre des sommets. Mais il reconnaît ses erreurs et son manque de prudence qui ont causé son accident.
« Quand j’ai eu ma mésaventure, mon erreur a été de penser que c’était un parcours facile par rapport à ceux que j’avais déjà faits. Il avait l’air simple, tout droit. Du coup, mon autre erreur a été de ne prévenir personne de l’endroit où j’allais. J’étais seul, piégé et personne ne savait où j’étais. Je n’avais qu’un litre d’eau et deux burritos pour seule nourriture. Au quatrième jour, je n’avais plus rien. J’ai perdu presque 18 kilos. Je me voyais mort. Pendant cinq jours, j’ai tenté de déplacer le bloc de pierre, en vain. Au sixième jour, pendant que je délirais, j’ai pu me libérer en coupant la partie morte de mon bras en cassant d’abord les os, puis en coupant le reste au couteau et à la pince. Ne sachant pas où j’étais, ma mère a lancé un appel de secours et des recherches étaient entamées. J’ai marché pendant cinq heures en ne pensant qu’à une chose : ma famille et mes amis. Arrivé en bas du canyon, j’ai rencontré des randonneurs qui ont alerté les rangers. L’hélicoptère de la patrouille est arrivé et on m’a amené à l’hôpital. Avoir une nouvelle chance de vivre, c’est unique. Je considère tout cela comme une expérience positive et je veux la partager.
J’encourage vraiment les gens à dire où ils vont exactement. Je ne veux pas conseiller aux gens de ne pas sortir des sentiers battus, mais simplement d’être responsable et suffisamment entraîné. Être responsable, c’est aussi avoir des moyens de communiquer avec des gens qui peuvent vous aider. »
Quand la technologie sauve des vies…
Fin 2008. Réjean Able, originaire de Mont-Tremblant, se lance dans une randonnée en étendue sauvage de six semaines au Nunavik en forêt. Son canoë chavire, il peut regagner la digue, mais tous ses vivres partent avec l’embarcation. Loin de tout, avec presque rien, à l’affût des loups, les chances étaient minces de s’en tirer. Heureusement, il était équipé d’un système Spot qui permet de contacter les urgences par satellite en tous lieux en fournissant les données GPS de la personne en détresse. Réjean Able a pu être retrouvé alors qu’il était à 15 jours de marche du village le plus proche. (findmespot.ca)
Le drame de Kicking Horse,
15 février 2009 : Les Montréalais Gilles Blackburn et son épouse Marie-Josée Fortin s’aventurent hors des pistes balisées de la station de ski de Kicking Horse, dans les Rocheuses, et se perdent. Sans nourriture et vêtements de ski, ils passent une première nuit en forêt avec les loups.
17 février : Un guide en hélicoptère rapporte avoir vu un signe SOS tracé dans la neige. Comme personne ne manque à l’appel, aucune recherche n’est lancée.
21 février : La GRC est informée que deux autres signes SOS ont été aperçus sur le flanc de la montagne. Aucune recherche n’est lancée.
22 février : À bout de force et souffrant d’hypothermie, Marie-Josée Fortin décède.
24 février : Un groupe de skieurs en héliski aperçoit Gilles Blackburn qui sera enfin évacué, ainsi que le corps de son épouse.
Le chiffre : 49
C’est le pourcentage de Québécois qui pratiquent au moins une fois par an la randonnée pédestre en nature. Parmi ceux-là, près de la moitié (58 %) en font plus de 10 fois annuellement. Il reste donc près de 40% des personnes qui s’aventurent en forêt avec peu d’expérience. Que ce soit pour une randonnée, du ski hors-piste ou une descente de kayak, une bonne planification permet de prévenir de douloureuses aventures hors des sentiers battus.