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  • Abri de survie © Shutterstock

Quel est le meilleur type d'abri en cas de survie en forêt ?

Par les temps qui courent, la survie a la cote, avec un nombre grandissant d’émissions de télévision, de formations et de guides qui s’y consacrent. Mais y retrouve-t-on vraiment les informations pertinentes pour survivre en forêt boréale, où la température moyenne annuelle est de 0 °C ? C’est la question qu’on s’est posée au LERPA de l’UQAC, en évaluant scientifiquement l’efficacité de six types d’abris de survie, avec ou sans feu. Et certains résultats sont plus que surprenants.

« On retrouve beaucoup d’ouvrages grand public qui parlent des abris de survie, mais aucun ne les documente scientifiquement », remarque d’emblée Manu Tranquard, directeur de l’Unité d’enseignement en intervention plein air du LERPA (le Laboratoire d’Expertise et de Recherche en Plein Air), qui doutait de l’efficacité de certains abris populaires en forêt boréale.  

Pour dénouer le mystère, Manu Tranquard et son équipe de recherche de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) ont mis au point un protocole pour tester six abris, trois avec feu et trois sans feu. Certains pourraient y voir une lubie de trippeux de plein air ou une fixation de chercheur, mais les résultats de cette recherche pourront avoir un impact majeur sur les chances de survie de la centaine de personnes qui se retrouvent dans une situation de recherche et sauvetage, chaque année au Québec, note le professeur. « Environ 25 d’entre eux meurent dans la nature chaque année, le froid étant le principal danger », dit-il. De plus, les données recueillies pourront aussi être utilisées par les Forces armées canadiennes, qui ont participé à l’expérimentation scientifique.

En décembre dernier, l’équipe du chercheur a donc testé six types d’abris en y logeant des expérimentateurs pendant trois heures, habillés des mêmes vêtements, pour éviter tous les biais. Un questionnaire sur le confort thermique était par la suite rempli par les participants.

Le feu : une importance capitale

Peu importe l’activité que l’on pratique en forêt, on devrait toujours trainer un briquet ou des allumettes sur soi, souligne Manu Tranquard. Pour assurer une validité scientifique au projet, le même nombre de bûches de même grosseur a été utilisé pour réchauffer les abris.

En gros, peu importe le type d’abri, se coucher sur le sol n’est pas aussi efficace que lorsque l’on est surélevé, car le sol gelé génère d’importantes pertes de chaleur et un énorme inconfort. C’est pourquoi l’abri de type « banc de parc », développé par le fondateur du LERPA, André-François Bourbeau, s’est avéré beaucoup plus chaud que l’abri en appentis (lean-to) que l’on cite dans la très grande majorité des livres de survie, ou encore qu’un abri fait avec un parachute utilisé par les Forces armées canadiennes.

Abri de type « banc de parc »© Guillaume Roy

Pour construire un banc de parc, il faut une vingtaine de longs billots de bois d’environ 15 cm de diamètre. On empile d’abord les billots en les appuyant sur deux arbres pour former un mur, et on place ensuite deux tiges perpendiculaires qui formeront une base pour le banc. On complète ensuite le mur arrière et on cherche de longues tiges de bois flexibles pour faire un banc/lit confortable. Pour terminer l’abri, on fabrique un toit avec des branches recouvertes de gros morceaux d’écorce et on ajoute des murs au besoin. Une fois l’abri construit, on allume un feu à proximité. 

« La technique du banc de parc fonctionne comme un barbecue, illustre le chercheur. L’air chaud monte pour réchauffer l’abri et enveloppe la personne à l’intérieur. » Le rayonnement du feu fait donc en sorte que la température de surface du banc (et non pas la température ambiante) grimpe à 30 °C. « La structure en bois fonctionne alors comme un foyer de masse, car elle emmagasine la chaleur », note Manu Tranquard, qui ne s’attendait pas à faire cette découverte. Le banc de parc est toutefois l’abri qui nécessite la plus grande dépense énergétique pour la construction.

Dans les abris en appentis, la température à l’avant de la personne en mode survie s’élevait à 10 °C alors qu’elle était de 0 °C à l’arrière du corps. « Ces conditions amenaient un inconfort local, ce qui empêchait les participants de dormir », note Manu Tranquard.

Abri sans feu : un réconfort psychologique… et contre le vent

Structure en A © Shutterstock

Contrairement à ceux qui précèdent, aucun des abris sans feu testés n’a démontré une réelle efficacité.

Que ce soit en utilisant une bâche, une structure en A ou la technique du nid d’oiseau, il est pratiquement impossible de réchauffer l’abri avec sa température corporelle, constate Manu Tranquard. Pour maximiser le confort, il demeure important de construire l’abri le plus petit possible, idéalement dans un milieu clos, en isolant le sol au maximum avec des matériaux sec (du foin plutôt que des branches qui ont des aiguilles, qui sont remplies d’eau), car le sol génère d’importantes pertes de chaleur par conduction.

Malgré ces résultats, la construction d’un abri de fortune demeure pertinente, car à défaut d’apporter de la chaleur au niveau métabolique, il entraîne un réconfort psychologique, estime Manu Tranquard. « En travaillant sur un abri, on retrouve un certain état de normalité et on éloigne le deuxième danger majeur en région éloignée, la panique », dit-il. De plus, un abri ou une bâche permettent de se protéger du vent, mais ce phénomène n’a pas pu être documenté car il ne ventait pas lors des tests.

En moyenne, il a fallu 2 h 30 pour construire les abris, nécessitant une dépense énergétique de 1000 kilocalories. « Disons que ça coûte "cher de gaz" et que ton abri doit être efficace pour te reposer, ou au moins te réconforter », conclut Manu Tranquard, qui compte publier une étude scientifique complète sur le sujet au cours des prochains mois.


Abris testés

3 abris sans feu 

-Abri à structure en A (ou A-frame)

-Abri bas des Forces canadiennes avec bâche

-Abri de type « nid de souris » ou « cloche à fourrage » (Tranquard et Boulais, 2010) Le principe est celui de la conservation de chaleur d’origine endogène dans un volume restreint, idéalement clos, isolé du sol et rempli de matériaux secs pour certains.

3 abris avec feu 

-Abri en appentis ou lean-to (configuration traditionnelle avec matériaux naturels) 

-Abri en appentis des Forces canadiennes (avec parachute)

-Abri de type « banc de parc » (Bourbeau, 2012 ; Nessmuk, 1963)

Le principe est celui de la concentration d’une chaleur d’origine exogène (en provenance d’un feu) dans un abri de type « boîte » par sa réverbération sur des parois réflectrices.

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